Michael Bliss, 1941-2017 (historien, auteur primé et professeur émérite, Université de Toronto), Toronto
Retour chez soi
La première fois que j’ai vu la rive du lac Canoe au camp Ahmek, dans le parc Algonquin, remonte à 1951. J’ai revu cette rive l’été dernier, 65 ans plus tard, et le paysage est demeuré intact, presque inchangé.
Des plaques évoquant les faits saillants de chaque été passé au camp étaient toujours accrochées aux murs de la salle à manger d’Ahmek. Un simple regard sur ces plaques, jeune garçon, aiguisait mon sens de l’histoire.
Autour du lac Canoe, on dit que le fantôme de l’artiste Tom Thomson, qui s’est noyé, pagaie silencieusement dans le brouillard pour l’éternité. Il nous semblait pouvoir le distinguer à partir des quais. Un soir, notre professeur de théâtre, costumé comme le cadavre de Thomson et portant une lanterne, était sorti du lac et s’était dirigé vers la salle à manger, semant une panique hystérique. Un beau moment.
Le lac Canoe et le camp Ahmek ne sont que deux des nombreux joyaux du parc Algonquin, mon pays d’Oz et celui de l’Ontario. Nous y allons tous les étés. J’espère que mes petits-enfants disperseront mes cendres à la surface de l’un des lacs de ce parc qu’ils ont appris à aimer. Et que, pendant quelques instants, ils auront une pensée pour son histoire, son site et sa continuité.