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L’Établissement Buxton
Le 28 avril 2022, la Fiducie du patrimoine ontarien a dévoilé une plaque provinciale actualisée à Toronto pour commémorer l’Établissement Buxton. La mise à jour de cette plaque fait partie du travail continu de la Fiducie pour raconter les histoires de l’Ontario d’une manière honnête, authentique et inclusive.
La plaque bilingue se lit comme suit :
L’ÉTABLISSEMENT BUXTON
L'Établissement Elgin, également connu sous le nom de Buxton, est l'un des nombreux établissements noirs qui existaient en Ontario dans les années 1800. Nommé en l'honneur de l'abolitionniste britannique Sir Thomas Fowell Buxton, il est fondé en 1849 par le révérend William King (1812-1895), un ministre du culte presbytérien qui crée cet établissement sur 2 832 hectares (7 000 acres) dans le canton de Raleigh, avec l'aide de 15 anciens esclaves. Ces Noirs en quête de liberté ou libérés de l'esclavage s'adonnent à l'agriculture et construisent également des routes, une scierie, un moulin à grains, une briqueterie, des usines de potasse et de carbonate de potasse résiduaire, ainsi qu'un hôtel, un magasin général et un bureau de poste. Toutefois, leur bâtiment le plus remarquable reste l'école missionnaire, un établissement intégré qui dispense une éducation classique. Les diplômés de cette école deviennent par la suite enseignants, médecins, avocats ou politiciens. À son apogée, Buxton compte plus de 1 000 habitants, et les descendants de certains des premiers colons vivent encore aujourd'hui à North Buxton. Pour commémorer le legs de cet établissement, des milliers de personnes reviennent au village chaque fin de semaine de la fête du Travail pour célébrer leurs retrouvailles et renouer les liens familiaux et amicaux. En 1999, l'établissement, qui comprend le musée Buxton et d'autres bâtiments historiques connexes, est déclaré lieu historique national.
THE BUXTON SETTLEMENT
The Elgin Settlement, also known as Buxton, was one of several organized Black settlements in Ontario in the 1800s. Named after British abolitionist Sir Thomas Fowell Buxton, it was founded in 1849 by Reverend William King (1812-95), a Presbyterian minister who arrived with 15 formerly enslaved people to create a settlement on 2,832 hectares (7,000 acres) in Raleigh Township. In addition to farming, freedom seekers and free Blacks established roads, a sawmill, grist mill, brickyard, potash and pearl-ash factories, as well as a hotel, general store and post office. Most notable was the Mission School, which was integrated and provided a classical education. Graduates went on to become teachers, doctors, lawyers and politicians. At its peak, Buxton numbered over 1,000 inhabitants, and descendants of some of the original settlers continue to live in North Buxton today. As a testament to the settlement’s legacy, thousands of people return to the village every Labour Day weekend for a homecoming celebration to rekindle the bonds of family and friendship. In 1999, the settlement, which includes the Buxton Museum and other related historical buildings, was designated a National Historic Site.
C’est l’endroit idéal où vivre en paix et profiter des conforts de la vie... Venez à Buxton, dans l’Ouest canadien. (Mary Jane Robinson à son amie Sarah Ann Harris de New York, le 23 mars 1854)1
J’ai quitté les États-Unis pour le Canada, pour les droits et la liberté. Je suis venu à Buxton pour éduquer mes enfants. (Henry Johnson comme il le raconte à Benjamin Drew dans A North-side View of Slavery: The Refugee, Or, Narratives of the Fugitive Slaves in Canada)2
Historique
Dans les années qui ont précédé la guerre de Sécession, des milliers de personnes en quête de liberté et de Noirs libres élisent domicile au Canada, la plupart dans la province du Haut-Canada (aujourd’hui l’Ontario). Certains s’installent dans diverses villes, tandis que d’autres préfèrent la vie rurale et agricole. Pour quelques privilégiés, plusieurs communes ou colonies sont établies. La plus connue et la plus réussie de ces colonies est peut-être l’Établissement Buxton ou Elgin.3
L’Établissement Elgin est fondé par William King, un ministre presbytérien irlandais. King naît en 1812 à Londonderry, en Irlande. Il obtient son diplôme avec mention de l’Université de Glasgow en Écosse en 1833, ayant déjà conclu que l’asservissement d’autres êtres humains était moralement incompatible avec le christianisme.4 King s’installe dans l’Ohio avec sa famille en 1835, et passe plusieurs années comme précepteur à Natchez, dans le Mississippi, puis comme recteur de la Mathews Academy à Jackson, en Louisiane. C’est là, en 1842, qu’il épouse Mary Mourning Phares, la fille d’un planteur local. En tant que propriétaire des biens de sa femme après son mariage, il devient automatiquement propriétaire de deux femmes asservies, Amelia et Eliza. Il en achète ensuite trois autres.
King n’est pas à l’aise dans le rôle de propriétaire d’esclaves du Sud. Entre-temps, cependant, il s’inscrit au New College, l’école de théologie de la Free Church of Scotland à Édimbourg (maintenant connue sous le nom d’Edinburg Theological Seminary). Pendant ce temps, la calamité frappe la jeune famille de l’homme. Son épouse et ses deux enfants meurent tragiquement en l’espace d’un an et demi. Avec la mort de sa femme et celle de son père quatre semaines auparavant, King est désormais propriétaire d’une plantation et de 14 esclaves afro-américains.
King obtient un diplôme du New College et est affecté à un poste de missionnaire au sein du synode de Toronto de la Free Presbyterian Church of Canada. Il prend un congé afin de régler sa succession en Louisiane, avec l’intention de libérer ses esclaves. Pendant ce temps, il conçoit un plan pour les amener au Canada afin qu’ils vivent dans une colonie organisée qui bénéficierait d’un soutien et d’un encadrement moral et éducatif. Lorsque la mère d’un jeune garçon nommé Solomon supplie King de l’acheter avant leur périple vers le nord, il cède, et ces 15 esclaves allaient devenir le noyau de cette colonie. King se met alors au travail, ce qui devient la mission de sa vie.
Le révérend King, avec l’aide de L’Église presbytérienne au Canada, met sur pied l’Elgin Association – à qui on donne le nom du gouverneur général de l’Ouest canadien, James Bruce, comte d’Elgin, avec sa bénédiction. Cet organisme, doté d’un conseil d’administration de 24 personnes, vend des actions à 10 £ l’unité à 335 actionnaires, dont un grand nombre d’hommes influents dans le domaine des affaires, du commerce et des professions. Plus du quart des actionnaires sont des Noirs.5 Avec ces fonds, la colonie a l’intention d’acheter un bloc de 3 642 hectares (9 000 acres) de terres fertiles dans le canton de Raleigh, dans le district de l’Ouest (maintenant Chatham-Kent). Une entité distincte, la mission de Buxton, est mise sur pied pour répondre aux besoins religieux et éducatifs de la colonie. King achète ensuite plusieurs parcelles de terre : 1 740 hectares (4 300 acres) en 1849, 930 hectares (2 300 acres) en 1851 et 40 hectares (100 acres) en 1852, pour un total de 2 711 hectares (6 700 acres).
La nouvelle d’une colonie de fermiers noirs ne plaît pas à tous les résidents du district de l’Ouest. Parmi les voix dissidentes, il y a celles du conseil du district de l’Ouest, qui adresse une pétition à l’Assemblée législative contre le projet de colonie, et le conseil du canton de Raleigh, qui exhorte l’Assemblée législative à refuser la constitution en société de capitaux de l’Elgin Association parce qu’un tel droit devrait être refusé aux « étrangers de naissance et [aux personnes] de race différente ». Le révérend King reçoit des menaces de mort. Une pétition de 300 signatures est envoyée au synode presbytérien de Toronto, présentant divers arguments racistes contre l’arrivée d’une telle colonie d’« hommes ébène », notamment que la valeur des terrains chuterait et que les résidents blancs plus méritants de la région s’enfuiraient. Une réunion tapageuse se tient à l’hôtel Royal Exchange en août 1849, au cours de laquelle King réfute bon nombre des affirmations farfelues qui sont faites. Ses efforts ayant échoué jusque-là, Edwin Larwill, un résident de Chatham et le porte-parole officieux de l’opposition du canton de Raleigh, tente d’empêcher physiquement King d’arpenter les terres. Lui et « un certain nombre de Roughs », dans les mots de King, se rendent sur le site le jour prévu pour perturber les procédures. La Providence intervient toutefois lorsque l’agent des terres tombe malade, et l’arpentage est reporté. Le révérend King est en mesure de diviser les terres sans entrave à une date ultérieure.
Une étendue de terre fortement boisée de 9,7 km (six milles) de long et de 4,8 km (trois milles) de large est divisée en parcelles de 20 hectares (50 acres). Celles-ci doivent être vendues à chaque colon au prix de 2,50 $ l’acre, selon un plan de paiement annuel avec un acompte de 10 %, le solde plus 6 % d’intérêt étant exigible dans les 10 ans. Les colons ne peuvent pas revendre à des personnes autres que des Noirs pendant au moins 10 ans. Un certain nombre de familles achètent des parcelles de 40 hectares (100 acres), dont Isaac Riley et sa famille; il a entendu parler de la colonie après s’être échappé du Missouri pour se rendre à St. Catharines et campe dans la grange de King avec sa femme et ses deux enfants jusqu’à ce que King arrive avec ses 15 esclaves affranchis. Les maisons doivent avoir au moins 4,5 mètres (15 pieds) de largeur sur 5,5 mètres (18 pieds) de profondeur, avec un toit d’au moins 3,7 mètres (12 pieds) de hauteur et en retrait de la route d’au moins 10 mètres (33 pieds). Une clôture de piquets est requise à l’avant, avec un jardin et des fleurs. Chaque maison doit compter au moins quatre pièces.
Au fur et à mesure que la nouvelle de la colonie se répand, des centaines d’anciens esclaves et de Noirs libres affluent à Buxton. Dès qu’une personne ou une famille achète un terrain, une équipe se réunit pour l’aider à défricher et à construire une maison et une grange. Bientôt, les cultures de blé, d’avoine, d’orge, de maïs et de pommes de terre commencent à pousser et l’industrie prospère. Une scierie, un moulin à grains, une briqueterie, des usines de potasse et de carbonate de potasse, ainsi qu’une forge et une cordonnerie sont établis. Il y a également un hôtel de deux étages, un magasin général et un bureau de poste. Une colonie qui a commencé par un noyau de 15 anciens esclaves, plus Isaac Riley et sa famille, s’épanouit pour compter approximativement 1 000 personnes en 1861.6
La mission de Buxton supervise l’établissement d’une église et d’une école dans la communauté, et son nom lui est donné en hommage à Sir Thomas Fowell Buxton, un politicien et abolitionniste britannique. L’école de la mission a des enseignants supérieurs et, au début, ne demande pas de frais de scolarité. Le synode fournit un nombre constant d’élèves-maîtres provenant du Knox College de Toronto. Lorsque l’école publique du district ne parvient pas à trouver un enseignant, elle ferme et les élèves blancs vont tous à l’école de Buxton. King remarque que les enfants blancs et noirs jouent ensemble sur le terrain de jeu et s’assoient ensemble en classe. De plus, « ils constatent que les jeunes enfants de couleur sont égaux aux Blancs sur le plan de l’apprentissage et que certains d’entre eux sont souvent en tête de classe et viennent chercher beaucoup de prix le jour des examens. »7 [traduction libre] Ce qui distingue l’école de Buxton, outre le fait qu’elle soit complètement intégrée, c’est que, du moins pour les garçons, elle offre une éducation classique, comprenant le grec, le latin et les mathématiques. Les filles reçoivent, comme les garçons, les matières de base que sont la lecture, l’écriture et l’arithmétique, mais aussi un enseignement en économie domestique comme la cuisine, la couture et le nettoyage. Les diplômés de Buxton deviennent enseignants, médecins, ministres et avocats, ce qui contribue à la réputation de la communauté dans le monde entier. Pour répondre aux besoins religieux de la communauté, des églises baptistes, épiscopales méthodistes africaines et, plus tard, épiscopales méthodistes britanniques sont fondées à Buxton.
Pendant la guerre de Sécession, 70 hommes de Buxton s’enrôlent dans divers régiments de l’Armée de l’Union. Après la guerre, certaines familles retournent en Amérique ou dans d’autres régions du Canada. En 1873, le conseil d’administration de la colonie d’Elgin se dissout, ayant atteint ses objectifs. Certaines familles restent cependant, et leurs descendants continuent de garder l’esprit vivant dans le village de North Buxton. En 1999, le gouvernement canadien désigne Buxton comme un lieu historique national. Aujourd’hui, des gens du monde entier viennent visiter le musée et l’école et découvrir le passé fascinant de cette communauté historique. Chaque fin de semaine de la fête du Travail, des milliers de personnes venues de partout au Canada et aux États-Unis reviennent au village pour fêter le retour au pays pendant quatre jours et pour renouer avec la famille et les amis. Comme l’a écrit un descendant : « Je veux rendre hommage aux agriculteurs, aux ouvriers, aux enseignants, aux infirmières, aux médecins, aux avocats, aux ministres, aux artistes, aux musiciens, aux auteurs, aux conservateurs, aux bénévoles de la communauté et aux aînés qui ont fait de Buxton un endroit si spécial et qui ont apporté leur contribution dans tant de domaines de la vie au-delà. »8 [traduction libre]
La Fiducie du patrimoine ontarien tient à remercier Adrienne Shadd pour les recherches qu’elle a effectuées dans le cadre de la préparation de ce document.
© Fiducie du patrimoine ontarien, 2022
1 Mary Jane Robinson à Sarah Ann Harris, 23 mars 1854, Provincial Freeman, 13 janvier 1855, dans The Black Abolitionist Papers, vol. II : Canada, 1830-1865, C. Peter Ripley et coll., éds. (Chapel Hill and London, UK: University of North Carolina Press, 1986), p. 280-281.
2 Benjamin Drew, éd., Refugees from Slavery: Autobiographies of Fugitive Slaves in Canada (Mineola, NY: Dover Publications, 1856/2004), p. 215.
3 Les principales sources d’information sur l’Établissement Buxton viennent du révérend William King, « Autobiographie », Le révérend William King et la colonie d’Elgin - Bibliothèque et Archives Canada (bac-lac.gc.ca); Sharon A. Roger Hepburn, Crossing the Border: A Free Black Community in Canada (Urbana and Chicago: University of Illinois Press, 2007); Jonathan W. Walton, « Blacks in Buxton and Chatham, Ontario, 1830-1890: Did the 49th Parallel Make a Difference » (thèse de doctorat, Université de Princeton, 1979); Arlie C. Robbins, Legacy to Buxton (Chatham, n.a., 1983); Victor Ullman, Look to the North Star: A Life of William King (Boston: Beacon Press, 1969) et Claudine Y. Bonner, « This Tract of Land: North Buxton, Ontario, 1873-1914 », (thèse de doctorat, Université Western Ontario, 2010).
4 Sharon Roger Hepburn déclare que King était un « théoricien de l’abolitionnisme » avant d’émigrer aux États-Unis. Sharon A. Roger Hepburn, Crossing the Border: A Free Black Community in Canada (Urbana and Chicago: University of Illinois Press, 2007), p. 29.
5 90 actionnaires d’origine africaine étaient répertoriés dans la liste des actionnaires, Révérend William King : Documents imprimés - Bibliothèque et Archives Canada (bac-lac.gc.ca); Roger Hepburn, p. 47-48.
6 Le recensement de l’Ontario de 1861 donne le chiffre de 691 personnes vivant strictement sur les terres de la colonie d’Elgin, tandis que les rapports de l’Elgin Association donnent le chiffre d’environ 1 000 personnes, ce qui pourrait inclure les colons noirs qui se sont installés sur des terres proches de la colonie d’Elgin, mais qui n’en font pas strictement partie. Consulter Roger Hepburn, 83, 214 fn 18 et l’ « Autobiograpy » de King, p. 451. Shannon Prince, le conservateur du Buxton Museum, a estimé le chiffre à environ 1 200. Shannon Prince, « Révérend William King : Histoire », site Web de Bibliothèque et Archives Canada (consulté le 8 juin 2021).
7 King, « Autobiography », p. 321.
8 Adrienne Shadd, « Réflexions sur ma ville natale », Questions de patrimoine (février 2017).