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First Regular Baptist Church, Dresden
Le 20 novembre 2011, la Fiducie du patrimoine ontarien et la First Regular Baptist Church ont dévoilé une plaque provinciale à la First Regular Baptist Church de Dresden, en Ontario, pour commémorer l’histoire de cette église.
Voici le texte de la plaque bilingue :
FIRST REGULAR BAPTIST CHURCH, DRESDEN
La First Baptist Church de Dawn – créée par d’anciens esclaves et des Afro-Américains libres dans les années 1840 – organise ses réunions dans des résidences privées, puis dans une chapelle en rondins au British American Institute. Dans les années 1850, une congrégation baptiste se réunit dans la rue Main, à Dresden, jusqu’à l’achat d’un lot sur le site actuel, appartenant au paroissien George Johnson. La congrégation construit une église et l’office d’inauguration de la First Regular Baptist Church a lieu le 15 novembre 1857. Les révérends William P. Newman et Samuel H. Davis, les « pères fondateurs » de l’église, sont des abolitionnistes connus et d’anciens directeurs du British American Institute. La majeure partie des fonds levés est due aux efforts de William Newman. Quant à Samuel Davis, il supervise la construction de l’église, faisant don de 100 cordes de bois pour payer le sciage du bois. Ce bois constitue encore de nos jours la structure originale de la chapelle. Depuis des générations, l’église fait partie intégrante de la vie communautaire de Dresden. Elle symbolise toujours la foi, le courage et la détermination de ces premiers pionniers.
FIRST REGULAR BAPTIST CHURCH, DRESDEN
The First Baptist Church of Dawn – established by former slaves and free African Americans in the 1840s – held its meetings in private homes, then in a log chapel at the British American Institute. In the 1850s, a Baptist congregation met on Main Street in Dresden, until a lot was purchased from parishioner George Johnson on the present site. A church was built by the congregation and the inaugural service of the First Regular Baptist Church was held on November 15, 1857. Reverends William P. Newman and Samuel H. Davis, the church’s “founding fathers,” were prominent abolitionists and former British American Institute headmasters. Newman raised much of the funding, and Davis oversaw the construction of the church, donating 100 cords of wood to pay for the sawing of the lumber, which forms the original structure of the chapel to this day. For generations, the church has been an integral part of community life in Dresden. Today, it stands as a testament to the faith, fortitude and determination of these early pioneers.
Historique
Lors de sa visite du Canada-Ouest en 1859 – qu’il relate dans son ouvrage The Under-Ground Railroad – le révérend et missionnaire baptiste William Mitchell indique que Dresden est plutôt prospère, et ses champs bien cultivés. Il signale également que son « frère missionnaire » (probablement le révérend William P. Newman) vient de finir d’y bâtir une petite chapelle dont la construction a demandé quatre ans de travail. Puisqu’il n’existe pas d’école dans la collectivité, il émet l’hypothèse que l’église jouera également ce rôle.1 Le révérend Mitchell fait très certainement référence à la First Baptist Church de Dresden. L’histoire de cette église, que l’on connaît également sous le nom de Queen Street Baptist Church, est longue et riche en événements, et elle peut légitimement se targuer d’être la première église baptiste établie à Dresden. De ce fait, et parce qu’elle a été bâtie par d’anciens esclaves et des Afro-Américains libres qui s’étaient installés dans la région, cette église a une importance historique considérable.
Dans un récit consacré à l’histoire de sa famille et intitulé Planted by the Waters,2 Hilda Dungy écrit que ses grands-parents, les Solomon Brown, fréquentent la « First Baptist Church de Dresden » dès 1848. L’office se tient d’abord de domicile en domicile, avant d’être célébré dans une petite cabine située à proximité de l’« Institution [British American Institute] ». À l’époque, les forêts sont si denses que les hommes doivent s’y frayer un chemin à la hache, entaillant l’écorce d’arbre en arbre pour permettre aux fidèles de rejoindre l’église et de revenir chez eux sans se perdre dans les bois. Cette anecdote est relatée dans les documents personnels d’Effie Davis (Kersey) Wells, qui, selon Hilda Dungy, consignait soigneusement les événements concernant l’histoire de l’église et celle de sa famille.3 D’après Elbert Jones, le grand-père de Hilda Dungy, la « First Baptist Church de Dresden » se réunissait dans une maison de la rue Main, près de la rivière. Après l’acquisition du site où se dresse actuellement la First Regular Baptist Church, dans la rue Queen de Dresden, les membres de la communauté se rassemblent pour abattre des arbres sur leur propriété et les amener à la scierie du British American Institute, où ils sont transformés en rondins pour la construction du nouvel édifice. Il est probable que le révérend Samuel H. Davis, qui était maçon de métier, a supervisé la construction, et qu’il a fait don de 100 cordes provenant de sa ferme pour payer le sciage du bois.4
Les éléments fournis par Hilda Dungy recoupent d’autres faits connus à propos de la communauté baptiste et du British American Institute (BAI). À l’automne 1850, le BAI passe sous le contrôle de l’American Baptist Free Mission Society, et le révérend Samuel H. Davis est recruté pour enseigner et administrer l’école.5 Né libre à Temple, dans le Maine, en 1810, Davis se prépare au ministère et au métier d’enseignant au Collège Oberlin de l’Ohio. Il enseigne ensuite à Buffalo, dans des classes destinées aux enfants afro-américains, joue un rôle actif dans la lutte contre l’esclavage et participe à de nombreuses conventions qui défendent les intérêts des Noirs. Il est donc plus que qualifié pour assumer cette responsabilité. On peut supposer qu’à cette époque, Davis dirige les offices baptistes à Dawn. Par ailleurs, les minutes de l’Amherstburg Baptist Association (ABA), l’organisme-cadre des congrégations baptistes noires du Canada-Ouest et de quelques églises du Michigan, révèlent que le 17 août 1850, une lettre de la « First Baptist Church de Dawn » est lue pour la première fois lors de l’assemblée annuelle. Son contenu exact n’est pas connu, mais on remarque la présence de l’Ancien William P. Newman, ministre baptiste diplômé du Collège Oberlin, ancien directeur d’école et membre du comité exécutif à Dawn de 1845 à 1846. C’est la première fois qu’un ministre invité assiste à une assemblée de l’ABA. Est également présent George Johnson, un agriculteur qui siège au comité exécutif du BAI et qui représente cette nouvelle église.6 Il est clair qu’en 1850, une congrégation baptiste s’est formée à Dawn.
L’église baptiste de Dawn n’a pas rejoint pas l’ABA à cette époque. En 1849, l’ABA avait rejoint l’American Baptist Free Mission Society (ABFMS) – une société baptiste américaine abolitionniste qui a fondé deux collèges interraciaux aux États-Unis.7 Pourtant, par la suite, des pratiques « suspectes » de l’ABFMS provoquent une scission au sein de l’ABA. Certaines églises demeurent à l’ABA et coupent tout lien avec l’ABFMS, tandis que d’autres restent affiliées à l’ABFMS et forment une nouvelle organisation, la Canadian Anti-Slavery Baptist Association. La Dawn Baptist Church rejoint cette entité. Les églises rassemblées sous l’égide de la Canadian Anti-Slavery Baptist Association incluent celles de Dawn, de Chatham, de Buxton, de Colchester, de London, de Mount Pleasant et de Detroit. Les églises qui restent affiliées à l’ABA sont les congrégations d’Amherstburg, de Sandwich, de Colchester, de Chatham, de Hamilton, mais aussi de Marshall et de Battle Creek, qui sont toutes deux situées au Michigan.8
Les minutes de la troisième assemblée annuelle de la Canadian Anti-Slavery Baptist Association – qui se tient les 2 et 3 septembre 1853 à Mount Pleasant, au Canada-Ouest – indiquent que lors de l’assemblée, une lettre de George Johnson de l’église de Dawn révèle que cette même église compte 21 membres. Le révérend Newman n’assiste pas à l’assemblée, pas plus que Johnson.9 Il est clair, toutefois, que cette congrégation n’a plus aucun lien avec le BAI. À la fin de l’année 1852, lors d’une décision aujourd’hui controversée, John Scoble, de la British and Foreign Anti-Slavery Society, s’établit à Dawn et se charge de l’administration du BAI et de ses terres. Il prévient toute tentative de participation subséquente de l’ABFMS, même si tous les témoignages s’accordent à dire que c’est grâce à l’ABFMS que le BAI parvient finalement à se remettre en selle après des décennies d’administration erratique et de subventions intermittentes.10 Même si à l’époque, la décision de la British and Foreign Anti-Slavery Society part d’un bon sentiment, il n’en demeure pas moins qu’elle sonne le glas du BAI. Il est très possible que ce soit à cette époque que l’église quitte sa cabine au BAI pour s’établir dans une demeure située dans le rue Main, au sein du village.11
Certains pans manquent dans l’histoire de l’église, mais on peut les reconstituer en consultant les articles du journal Provincial Freeman. Le 22 août 1855, le Provincial Freeman fait paraître un avis envoyé par W.P. Newman, secrétaire correspondant, à propos d’une assemblée de la Canadian Anti-Slavery Baptist Association organisée à l’église baptiste de Dawn en septembre. Lors de la cinquième assemblée annuelle, Davis est nommé greffier et Newman secrétaire correspondant dans le cadre de ce rassemblement. Il est également prévu que les deux hommes jouent le rôle de représentants à la prochaine assemblée de l’ABFMS.12 Le 24 novembre 1855, un autre communiqué émanant de Newman est publié dans le Provincial Freeman. Il fait appel au public pour obtenir des fonds destinés à l’érection d’un « lieu de culte au sein du village de Dresden C.W. » (traduction libre). Le communiqué poursuit en soulignant que :
[. . .] personne ne mérite plus votre soutien, en l’espèce, que les baptistes de Dawn. Ils sont peu nombreux, et ils sont pauvres. Ils ont dépensé beaucoup pour ce lieu de culte. […] Peu d’églises sont plus exemplaires que cette église. Nous nous réjouissons de sa future utilité. Cette congrégation doit avoir un lieu de culte! Cher lecteur, que peux-TU faire, que vas-TU faire pour nous aider? L’église me demande de dire à nos Sœurs des cercles de couture, que des biens tels que ceux qu’elles confectionnent peuvent être vendus au bénéfice de la construction de l’édifice, et que cela sera acceptable. Ce lieu de culte sera propre et simple, et il coûtera environ deux cents livres. Tout don concernant le motif susmentionné peut être adressé à l’Ancien Wm P. Newman, Dresden, Canada-Ouest. (Traduction libre)
Il est intéressant de noter que l’année suivante, lors de l’assemblée annuelle de l’ABA de 1856, les minutes témoignent du fait que la Canadian Anti-Slavery Baptist Association demande à rejoindre l’ABA. Le « Frère W.P. Newman », qui assistait à l’assemblée en tant que membre de cette dernière entité, vient avec une lettre réclamant l’unification. Il est accompagné par l’Ancien S. White et par le Frère James Handsbrow de Chatham. Il semble qu’à l’époque, le désaccord avec l’ABFMS a également été surmonté. Newman saisit toutes les occasions pour réunir des fonds pour la construction de son église. Une résolution est adoptée lors de cette assemblée, qui prévoit une quête pour l’érection de la « Regular Baptist Church de Dawn », et 6,60 dollars sont collectés.13
L’année suivante, après l’union des deux associations baptistes, la First Baptist Church de Dawn annonce qu’elle compte 44 fidèles,14 et qu’elle est bénie par le travail de son pasteur, l’Ancien William P. Newman, qui est également clerc de l’église. Sa lettre affirme également que le Seigneur a béni sa congrégation en permettant l’édification d’un lieu de culte, et demande « aux églises de cette Association de prier pour la prospérité de la nôtre et pour qu’elle reçoive des fonds » (traduction libre). Newman avait obtenu suffisamment de fonds pour entamer la construction de l’édifice, mais avait besoin de subsides supplémentaires pour terminer la structure et/ou en aménager l’intérieur.
L’acte de vente du terrain sur lequel l’église a été bâtie montre toutefois que la propriété n’a été officiellement achetée qu’en mai 1858. À l’époque, le diacre George Johnson a vendu un cinquième d’acre [809 mètres carrés] de terrain pour 80 dollars sur le terrain à construire no 3 de la rue Queen du village de Dresden, qui se situe en partie sur le lot 4 de la concession 5 dans l’enclave de Camden.
En 1858, l’ABFMS – temporairement renommée Amherstburg Anti-slavery Regular Baptist Association – tient son assemblée annuelle à Chatham. Bon nombre des fidèles de l’église de Dresden profitent de la proximité de la conférence pour s’y rendre. L’église signale qu’elle compte désormais 90 fidèles, dont 32 ont été baptisés par immersion cette même année. L’Association nomme Davis missionnaire itinérant pour l’année.15
Lors de l’assemblée annuelle de l’ABA tenue en 1859, les représentants et dirigeants de l’événement se réunissent, de façon appropriée, dans la nouvelle chapelle baptiste de Dresden. Nul doute qu’il s’agit d’une occasion spéciale pour la nouvelle église et sa congrégation. L’Ancien D.W. Anderson, de la London Baptist Church, est élu modérateur, Samuel H. Davis est élu greffier, quant à l’Ancien Newman, il siège parmi les cinq membres du comité prudentiel chargé de statuer sur les enjeux importants pour l’Association. Le dimanche au matin, une cérémonie d’inauguration a lieu à l’église, et le révérend Newman retrace brièvement l’histoire de l’édifice. Ensuite, à la stupeur générale, il présente sa démission à sa congrégation ainsi qu’à l’Association en vue d’occuper un nouveau poste à l’étranger. Newman deviendra missionnaire en Haïti pour le compte de l’ABFMS. Il y étudiera la possibilité d’une immigration noire vers cette contrée caribéenne.16 Les ministres et les différents représentants saluent le révérend Newman, peut-être pour la dernière fois, et l’atmosphère de la scène est décrite comme « solennelle et touchante ».17
En 1859, l’Ancien Samuel H. Davis est le pasteur principal de l’église de Dresden. Lors de l’assemblée annuelle de l’ABA en septembre 1860, Davis a l’honneur d’être élu modérateur des débats, qui rassemblent de nombreux fidèles cette année. La congrégation de Dresden semble prospérer sous la houlette de Davis, puisqu’elle dispose d’une bonne école du dimanche et qu’un cours biblique est en projet. Elle compte désormais 93 fidèles.
Avec le révérend Samuel H. Davis désormais aux commandes, la First Regular Baptist Church de Dresden bénéficie d’une solide assise pour l’avenir. Le nombre de membres, qui s’établit initialement à 21 fidèles, atteint 116 personnes en 1864, ce qui représente son pic au XIXe siècle.18 Ce bon résultat sera éclipsé par un nouveau record établi au cours du XXe siècle, en 1979, année durant laquelle le nombre de membres s’établit à 150, selon Dorothy Shadd Shreve.19
Samuel H. Davis sert l’église de Dresden pendant de nombreuses années, de 1858 à 1872, puis de nouveau en 1876, 1878, 1880 et 1881.20 Il a également servi comme pasteur dans les églises de Chatham, de Sandwich et de Buxton. Les minutes de l’ABA indiquent régulièrement que Davis est l’un des ministres les plus capables de l’Association pendant son long mandat auprès de cet organisme. Tout comme William P. Newman, il met son charisme, sa clairvoyance, ses talents de meneur d’hommes et ses nombreux contacts parmi la communauté abolitionniste au service de la création d’une institution stable, qui prospère pendant les nombreuses années qu’il lui consacre.
Newman et Davis ont jeté des bases solides, et de nombreux ministres compétents leur emboîtent le pas. L’Ancien Samuel H. Lynn, initialement ministre presbytérien de Brownsville, Pennsylvanie,21 est l’un des premiers membres de la première église baptiste de Dresden et assiste aux assemblées annuelles de l’ABA en tant que représentant pendant de nombreuses années. En 1869, après avoir été ordonné au cours de la décennie précédente, il est nommé missionnaire auprès des églises du district de l’Est de l’Association. Il est pasteur à Dresden en 1875, où il assiste l’Ancien Davis en 1880. Son épouse, Jane Bailey Lynn, met en place la première société auxiliaire de la Women’s Home and Foreign Missionary Society de l’ABA à l’église de Dresden en 1882, et en devient la première présidente. Cette première branche féminine de l’ABA est fondée pour soutenir le travail des missionnaires de l’ABA, notamment pour lever des fonds en vue de permettre aux missionnaires de voyager et d’accomplir leur mandat. Par la suite, le révérend se retire de l’église de Dresden et crée l’Union Baptist Church du canton de Chatham, sur la concession 11.22
Parmi les ministres qui ont œuvré pendant de longues années à l’église de Dresden, on peut aussi citer le révérend J.H. Penick. Né à Logen County, dans le Kentucky, en 1865, Penick est appelé au ministère le 24 août 1890, et rejoint le Canada en tant qu’évangéliste. Il finit par s’établir à Dresden où il achète une ferme de taille modeste. Il sert en tant que pasteur à la First Baptist Church de Dresden entre 1897 et 1905, puis à nouveau de 1922 à 1932. À plusieurs reprises, ainsi que pendant son mandat à Dresden, il est également le pasteur des églises de London, de Chatham, de Sandwich, d’Amherstburg, de Buxton et de Shrewsbury. Vu la durée des mandats qu’il a exercés dans ces églises, on peut supposer que son influence devait être considérable dans le sud-ouest de l’Ontario. Son épouse aussi participe aux activités de la Women’s Home and Foreign Mission Society, dont elle devient la présidente en 1931.23
L’Ancien Josiah G. Brown fait également partie des pasteurs ayant beaucoup œuvré pour l’église de Dresden. Né en 1837 à Lucan (Ontario) dans la colonie Wilberforce, qui est composée d’Afro-Américains affranchis, il s’établit avec sa famille dans le canton de Chatham, sur la concession 11. Il est clerc d’église de 1863 à 1872 et de 1886 à 1906 – soit 29 ans au total. Son nom est fréquemment cité dans les minutes de l’ABA, où il assisté à plusieurs assemblées en tant que représentant, et où il a également occupé le poste de greffier de 1895 à 1909. Hilda Dungy se souvient de son grand-oncle comme d’un homme digne, qui prodiguait ses conseils aux personnes en difficulté, dirigeait l’instruction religieuse dominicale et prononçait le sermon en l’absence du ministre.24
Les femmes ont toujours joué un rôle fondamental au sein de l’église, notamment en organisant des ventes de charité et d’autres événements destinés à collecter des fonds pour l’église, mais aussi en assistant aux réunions, aux classes bibliques et aux assemblées annuelles de l’ABA, en enseignant à l’école du dimanche, en accomplissant la plus grande partie du travail qu’exigeait l’organisation des assemblées de l’ABA quand c’était au tour de leur église de les accueillir, et en effectuant bon nombre d’autres activités essentielles. Outre leur rôle auprès de la Women’s Home and Foreign Missionary Society, les femmes participent activement à l’Amherstburg Baptist Young People Union (ABYPU). Effie Davis Wells a d’ailleurs été la première présidente de l’ABYPU de Dresden, qui s’est tenue en 1896.25 Quant à la Gleaner’s Society, établie en 1926 avec Sybilla McCorkle comme première présidente, elle continue de déployer des efforts considérables pour répondre aux besoins de la communauté.26 Après avoir longtemps occupé des rôles auxiliaires, les femmes prennent désormais les devants. L’actuelle pasteure de l’église est la révérende Katherine Hawley, et Sandra Browning est historienne et clerc de l’église.
Au fil des ans, l’église a eu à sa barre des capitaines forts et expérimentés, qui l’ont guidée et ont réussi à maintenir son cap. Le leadership du révérend Davis a permis de fonder l’église, mais cela n’a pas été sa seule contribution importante. Son petit-fils, le révérend H.L. Talbot, a occupé la fonction de pasteur de 1938 à 1943, et son arrière-petit-fils, le révérend E.A. Talbot, a fait de même de 1945 à 1968. Parmi les pasteurs mémorables, on peut citer le révérend J.C. Browning de 1934 à 1937, et, plus récemment, le révérend Donald G. Wright, de 1970 à 2008.27 Le révérend Wright a été distingué par le titre de Pastor Emeritus de 2007 à 2008, année de sa mort. Dans son autobiographie intitulée The Reluctant Christian, Douglas Wright offre de nombreux exemples illustrant le fort sens moral de son père, et revient sur la remarquable façon dont il a servi son église pendant 38 ans.28 Tous ces ministres compétents ont aidé l’église à aller de l’avant et à participer à la l’Amherstburg Regular Missionary Baptist Association (anciennement Amherstburg Baptist Association), à la Convention baptiste de l’Ontario et du Québec, au travail des missionnaires étrangers, ainsi qu’à des organismes aussi importants que Plan de parrainage du Canada et les réseaux de paniers alimentaires locaux. Même si le nombre des membres a fluctué au fil des ans, il reste environ 30 membres actifs aujourd’hui, ce qui ne diffère guère des 35 membres évoqués par l’église dans l’ouvrage Pathfinders of Liberty and Truth: A Century with the Amherstburg Regular Missionary Baptist Association, qui a été publié en 1940.29
Construction de l’église et importance historique de la First Regular Baptist Church de Dresden
Aux dires de tous, il s’agit de la première église baptiste érigée dans la ville de Dresden et elle accueille la plus ancienne congrégation subsistant dans la collectivité.30 L’église en elle-même revêt une importance historique pour la simple raison qu’il s’agit de la structure originelle bâtie par la congrégation dans les années 1850, bien qu’elle ait subi un certain nombre de rénovations plus récentes. Elle est construite par assemblage de planches verticales avec couvre-joints, c’est-à-dire que les planches sont posées sur la structure à la verticale et bord à bord (sans être languetées et bouvetées), et que des lattes de deux pouces (5 centimètres) de large et d’un pouce (2,5 centimètres) d’épaisseur sont placées à cheval par-dessus pour recouvrir tout espace.31 Les murs extérieurs sont à présent bardés d’aluminium, même si les fondations et la structure d’origine faites de troncs d’arbres soutiennent toujours le bâtiment. En outre, l’une des fenêtres originelles de l’église a été conservée comme artéfact, et l’on y a peint la date de construction de l’église.32 En 1947, un presbytère est construit et, dans les années 1950, un vestibule est ajouté à l’arrière de l’église. En 1979, des salles de catéchisme sont greffées au vestibule et, en 1985, l’entrée de façade est rénovée de façon à courir sur l’intégralité du frontispice de l’église, où l’on ajoute deux cabinets d’aisances, une pouponnière et un bureau pour le pasteur. L’entrée se situe désormais sur le côté de l’église, et devient accessible en fauteuil roulant après l’acquisition à cette fin de la propriété adjacente, en 1989. Durant la transaction, il est révélé que la dénomination sociale de l’église est First Regular Baptist Church. Elle répond à ce nom depuis lors. En septembre 1999, l’hypothèque sur la propriété avoisinante est acquittée et des travaux d’embellissement du presbytère et de la propriété adjacente sont réalisés l’année suivante.33
Cependant, ce qui confère à cette église une importance historique encore plus grande est le fait qu’elle a été bâtie par d’anciens esclaves et des Noirs libres ayant formé, en toute liberté, une congrégation et une communauté durant une période d’intenses bouleversements et de folles espérances. Certains des événements majeurs du mouvement abolitionniste se déroulent directement au BAI, où les deux « pères fondateurs » de la First Baptist Church de Dresden, les révérends William P. Newman et Samuel H. Davis, font leurs premiers pas au Canada. Tous deux sont attirés par ce que promet Dawn, et tous deux mènent également une vie de service et d’activisme complètement indépendante. Ces deux ministres du culte sont des figures proéminentes de la communauté abolitionniste (aussi bien au Canada qu’aux États-Unis) et tiennent des rôles prépondérants au sein du mouvement des baptistes noirs en tant qu’agents du chemin de fer clandestin, certainement alors qu’ils font partie de la Second Baptist à Détroit, mais aussi tout à fait vraisemblablement à Buffalo et Cincinnati ainsi qu’à d’autres endroits. Ils sont des pivots de l’Amherstburg Baptist Association et de la Canadian Antislavery Baptist Association, et d’importants dirigeants communautaires à Dresden.
William Newman occupe même un temps le poste de rédacteur en chef du Provincial Freeman, un hebdomadaire destiné à la communauté noire. Le révérend Newman meurt en 1866 et est enterré à l’Union Baptist Church à Cincinnati, où il était retourné après la guerre de Sécession. Samuel Davis meurt en 1907, à l’âge de 97 ans. Sa pierre tombale se dresse dans le cimetière du British American Institute, sur le Musée Josiah Henson de l'histoire des Afro-Canadiens.34 Le fait que ces deux hommes et leur congrégation ont établi la First Regular Baptist Church de Dresden sur des bases solides et tracé une voie que d’autres ont empruntée pendant les 154 années qui ont suivi, est indubitablement remarquable.
La Fiducie du patrimoine ontarien tient à remercier sincèrement Adrienne Shadd dont les travaux de recherche nous ont permis de rédiger le présent document.
© Fiducie du patrimoine ontarien, 2011, 2012
1 Révérend W.M. Mitchell, The Under-Ground Railroad, réédition de 1860, Westport (Connecticut) : Negro Universities Press, 1970, 150.
2 Documents personnels d’Effie Davis (Kersey) Wells cités dans le récit de Hilda Dungy, Planted by the Waters, édition révisée, Wallaceburg (Ontario) : Standard Press, 1977.
3 Ibid., 12.
4 Pathfinders of Liberty and Truth. A Century with the Amherstburg Regular Missionary Baptist Association, Merlin (Ontario) : 1940, 82; William J. Richardson, “The life and times of Samuel H. Davis: an antislavery activist,” Afro-Americans in New York Life and History, texte publié le 1er janvier 2009 (date de consultation : 15 juillet 2011), 11. Selon William Richardson, il se peut que la congrégation baptiste de la rue Main n’ait pas été la même que celle qui a construit l’église de la rue Queen.
5 J.E. Ambrose au rédacteur en chef du Western Citizen, le 8 février 1851, reproduit dans Voice of the Fugitive, le 12 mars 1851. C. Peter Ripley, éd., Black Abolitionist Paper, Volume II: Canada, 1830-1865, Chapel Hill (Caroline du Nord) et Londres (Royaume-Uni) : The University of North Carolina Press (ci-après BAP), 494n.
6 Minutes de l’Amherstburg Baptist Association Minutes, tome 1 (ci-après « Minutes de l’ABA »), 16-19 août 1850, 93, 97, Canadian Baptist Archives, Collège Divinity, Université McMaster, Hamilton (Ontario).
7 BAP, 319n. Ces deux collèges sont le New York Central College et l’Eleutherian College, en Indiana.
8 The Constitution, By-Laws, Minutes, Circular Letter, Articles of Faith, and The Covenant of the Canada Anti-Slavery Baptist Association, Windsor : document imprimé à la Voice of the Fugitive Office, en 1854. (La Canada Anti-Slavery Baptist Association est ci-après désignée par l’acronyme « CASBA »). Ce document indique clairement que cette entité a toute confiance en l’American Baptist Free Mission Society. BAP, 21, 365n, 494n. Il semble également qu’il s’agisse du seul document de la CASBA qui subsiste à ce jour.
9 CASBA, 6-7.
10 J.E. Ambrose au rédacteur en chef de Voice of the Fugitive, réédité le 12 mars 1851; J.C. Brown au rédacteur en chef du Provincial Freeman, 12 avril 1855, publié dans le Freeman le 12 mai 1855; J.C. Brown à Isaac D. Shadd, 29 décembre 1856, publié dans le Provincial Freeman le 10 janvier 1857. D’après J.C. Brown, un administrateur du British American Institute – le seul à avoir refusé de céder ses pouvoirs à Scoble, contrairement au reste de ses homologues – l’époque où le BAI était administré par la Free Mission Society constituait « l’âge d’or de Dawn » (traduction libre).
11 D’après le Canadian Baptist Registry des Canadian Baptist Archives, Collège Divinity de l’Université McMaster, pendant plusieurs années, deux congrégations sont répertoriées comme ayant existé à la même époque : l’église de Dawn et l’église de Dresden. De 1857 to 1861, on compte 31 membres, mais plus de pasteur à compter de 1858, et il est de nouveau fait mention de l’église en 1864 : elle compte 16 membres sous l’égide de J. Linch, et est répertoriée jusqu’à 1874, date à laquelle elle disparaît du registre. Je remercie chaleureusement Bill Richardson pour cette information.
12 « Canadian Anti-Slavery Baptist Association », Provincial Freeman, le 1er décembre 1855.
13 Minutes de l’ABA, tome 1, 182-83, 184, 185.
14 Minutes de l’ABA, tome 1, 195. Le tableau I proposé par Dorothy Shadd Shreve aux pages 62 et 63 de son ouvrage indique que l’église de Dresden compte 90 membres lorsqu’elle rejoint l’Amherstburg Baptist Association en 1857. D’après ma consultation des minutes de l’ABA, il y avait 44 membres cette année-là.
15 Minutes de l’ABA, tome 1, 211. La nomination de Davis au poste de missionnaire itinérant est consignée aux pages 205 et 210 des minutes. Toutefois, le Canadian Baptist Registry le cite – ainsi que Newman – comme pasteur de l’église de Dresden en 1858. Je remercie Bill Richardson pour cette information.
16 BAP, 302-3n.
17 Minutes de l’ABA, tome 1, 216.
18 CASBA, 7; Minutes de l’ABA, tome 1, 255.
19 Dorothy Shadd Shreve, The AfriCanadian Church: A Stabilizer, Jordan Station (Ontario) : Paideia Press, 1983, 62-63.
20 Bill Richardson, « First Regular Baptist Church, Dresden Background », dans la soumission adressée à la Fiducie du patrimoine ontarien le 10 septembre 2009.
21 Dungy, 37. Dungy tient apparemment ce renseignement sur Lynn du révérend Jennie Johnson.
22 Pathfinders of Liberty and Truth, 56. Cela est dû est à un désaccord sur la question de la communion fermée, doctrine selon laquelle seuls les fidèles ayant été baptisés par immersion pouvaient participer à la Cène. Lynn s’oppose à cette doctrine, et de ce fait, fonde sa propre église baptiste.
23 Ibid., 53-54, 64.
24 Ibid., 62; Dungy, Planted by the Waters, 17.
25 Pathfinders of Liberty and Truth, 83.
26 First Regular Baptist Church de Dresden, « Church History: 1857-2001 », dans la soumission adressée à la Fiducie du patrimoine ontarien le 10 septembre 2009.
27 Liste des pasteurs de la First Regular Baptist Church de Dresden, 1857-2009, dans la soumission adressée à la Fiducie du patrimoine ontarien le 10 septembre 2009.
28 Douglas S. Wright, The Reluctant Christian, Lake Mary (Floride) : Creation House, a Strang Company, 2007.
29 Entretien avec Sandra Browning, 14 septembre 2011; Pathfinders of Liberty and Truth, 83.
30 L’étude de plusieurs récits sur l’histoire de Dresden ne révèle aucune église antérieure à celle-ci et existant encore. Cf. Alda Hyatt, The Story of Dresden, 15, 20-22; Robert Brandon, The History of Dresden, Updated from 1954 to 1981, Dresden (Ontario) : Dresden Centennial Committee, 1982; Marie et Jeffrey Carter, Stepping Back in Time: Along the Trillium Trail in Dresden, Dresden (Ontario) : Catherine McVean Chapter IODE, 2003.
31 Don Spearman, Landmarks from the Past: a pictorial history of Dresden, Dresden (Ontario) : Stephen Lane Enterprises, 1991, 78; Bill Richard, « First Regular Church, Dresden Background, V4 », 1.
32 Entretien avec Sandra Browning, 14 septembre 2011.
33 Ibid.; First Regular Baptist Church de Dresden : « Church History: 1857-2001 ».
34 Voir la biographie de William P. Newman dans BAP, 302-303n et la biographie de Samuel H. Davis dans BAP, 494n. Il est possible de consulter une biographie plus détaillée de Samuel Davis dans l’article de William J. Richardson, « The life and times of Samuel H. Davis: an antislavery activist », publié dans Afro-Americans in New York Life and History, le 1er janvier 2009 (date de consultation : 15 juillet 2011).