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La fondation d’Englehart

Le 26 juillet 2008, la Fiducie du patrimoine ontarien, le Comité du centenaire d’Englehart et la Ville d’Englehart ont dévoilé une plaque provinciale commémorant la fondation d’Englehart, au Parc du centenaire, à Englehart, en Ontario.

Voici le texte de la plaque bilingue :

LA FONDATION D’ENGLEHART

    Englehart doit sa naissance au Temiskaming and Northern Ontario Railway (T. & N.O.), une ligne de colonisation créée par le gouvernement provincial dans le but d’ouvrir à l’établissement les terres agricoles situées dans la petite ceinture d’argile et de rendre accessibles les vastes ressources forestières de la région. En 1905, le chemin de fer constitua un stock d’équipement et de matériaux sur la rive est de la rivière Blanche (désormais Englehart), au mille 138, pour y construire le premier pont important de la ligne. Ces activités attirèrent des entrepreneurs, venus fournir des services et des commodités aux cheminots. En 1906, Englehart devint une localité de limite divisionnaire ferroviaire et des ateliers de réparation, ainsi qu’une rotonde de locomotive, furent construits à l’ouest de la rivière. Des lots de canton furent arpentés et vendus lors d’enchères publiques. Un bureau de poste ouvrit, et des magasins, une école et des églises suivirent. La collectivité fut nommée Englehart en hommage à Jacob Lewis (Jake) Englehart, président de la commission du T. & N.O. En 1908, Englehart devint une ville constituée et élut son premier conseil.

FOUNDING OF ENGLEHART

    Englehart owes its beginnings to the Temiskaming and Northern Ontario Railway (T. & N.O.), a colonization line designed by the provincial government to open agricultural lands of the Little Clay Belt to settlement and to provide access to the area’s vast timber resources. In 1905 the railway stockpiled equipment and materials on the east bank of the Blanche (now Englehart) River, at mile 138, for the line’s first major bridge. This drew entrepreneurs to provide services and amenities to the railway workers gathering there. In 1906 Englehart became a divisional point for the railway and work began to build repair shops and an engine roundhouse west of the river. Town lots were surveyed there and sold at public auction. A post office was established followed by stores, a school and churches. The community was named Englehart in honour of Jacob Lewis (Jake) Englehart, the chairman of the T. & N.0. Commission. In 1908 Englehart became an incorporated town and elected its first Council.

Historique

La géologie a façonné l’histoire humaine et le développement économique de la région d’Englehart. Au cours de la dernière période glaciaire, il y a de cela 12 000 ans, des glaciers — de vastes plaques de glace d’une épaisseur estimative de près d’un kilomètre (au moins un demi-mille) — se mirent inexorablement à se déplacer en direction sud à partir de l’Arctique, dénudant la terre jusqu’au substrat rocheux. Lorsque la glace se retira, elle laissa derrière elle un paysage de roches précambriennes nues. C’est cette région que le père de la Confédération Thomas Darcy McGee appela un jour, avec une prescience remarquable, le « bouclier d’Achille ».1

Lors de leur retrait, les glaciers créèrent un grand lac que les géologues appellent le lac Ojibway-Barlow. Ce lac s’étendait de l’actuelle ville de Cochrane, au sud, jusqu’à la limite inférieure de l’actuel lac Temiskaming. Au cours de la dernière avancée glaciaire, survenue il y a environ 7 000 ans, le niveau de la croûte terrestre s’éleva encore davantage, scindant l’immense lac en deux. Le lac Ojibway demeura dans le nord et le lac Barlow (l’actuel lac Temiskaming), dans le sud, séparé l’un de l’autre par le bassin de l’Arctique, nouvellement formé.2 Cette région faisait partie d’un vaste et complexe réseau de lacs et de rivières se déversant du haut des terres en direction du nord jusqu’à la baie James et au sud, jusqu’au bassin des Grand Lacs-Saint-Laurent. Du limon, produit de l’action abrasive de la glace sur la roche contenant des fossiles riches en calcium, se déposa et forma une base d’argile comportant du calcium3 dans des plaines irrégulières, constituant ce qu’on appelle maintenant la grande et la petite ceinture d’argile. La couche de sol ainsi créée avait une forte teneur en minéraux et une bonne capacité de rétention de l’eau, ce qui explique la remarquable fertilité de la région agricole qui se constitua sur les lieux.4

Avec la fin de la période glaciaire, la flore et la faune réapparurent graduellement dans ce paysage rocheux, dissimulant une partie de la richesse minière de la région, mais constituant également de vastes étendues de forêts et nourrissant d’importantes populations de mammifères à fourrure. Cette abondance croissante de ressources attira bientôt les peuples algonquins. La région d’Englehart et les terres situées au sud-est devinrent l’apanage des Premières nations algonquines, tandis que les Cris choisirent comme territoire de chasse les terres situées au nord se drainant dans la baie James et que les Ojibwas s’installèrent à l’ouest.5 Dans la période suivant le contact avec la culture européenne, les peaux de castor et d’autres animaux attirèrent dans la région les négociants en fourrure français et des postes de traite, comme Témiscamingue, situé tout près, furent créés pour exploiter ce commerce. Les rivalités nationales européennes menèrent à la création de postes de traite britanniques à la baie James, dont Rupert House et Moose Factory, ainsi qu’à l’exploitation initiale de la voie d’eau entre la rivière des Outaouais et la baie James. Des empires commerciaux rivaux continuèrent d’essayer de se faire concurrence le long de ce couloir jusqu’au triomphe éventuel de la Compagnie de la Baie d’Hudson au 19e siècle.

En 1850, l’avant-garde du commerce du bois avait remonté la rivière des Outaouais jusqu’au lac Nipissing et des entrepreneurs de la province du Canada (l’Ontario et le Québec d’aujourd’hui) commencèrent à s’intéresser aux grandes étendues de terres situées au nord et à l’ouest. L’avènement de la Confédération, en 1867, permit la concrétisation de ces rêves. En 1870, les vastes territoires de la Compagnie de la Baie d’Hudson furent placés sous la gouverne du Dominion du Canada et, au cours de la décennie suivante, l’Ontario revendiqua le droit de s’étendre jusqu’à la baie James, droit que lui reconnut finalement le gouvernement fédéral en 1898. Dans l’intervalle, l’Ontario défendit ses prétentions territoriales de façon plus concrète. La frontière entre l’Ontario et le Québec fut arrêtée en 1874 et les arpenteurs provinciaux s’aventurèrent dans le « Nouvel-Ontario » en 1880, arpentant les terres à l’ouest du lac Temiskaming. Ces levés laissaient entrevoir la possibilité de gisements minéraux riches et recommandèrent l’établissement de colons dans la ceinture d’argile nouvellement découverte, située à l’ouest et au nord du lac. Au milieu des années 1890, les collectivités de Haileybury et de Liskeard (constituées en société sous le nom de New Liskeard en 1903) prenaient forme sur la rive occidentale du lac Temiskaming. Bien que reliées au sud par liaison maritime, elles étaient assez isolées en hiver et se mirent vite à pétitionner le gouvernement à Toronto pour la construction d’un lien ferroviaire rendant la région accessible à longueur d’année. Le projet n’enthousiasmait guère les entrepreneurs ferroviaires, mais plusieurs forces se conjuguèrent bientôt pour que la liaison ferroviaire nord-sud devienne une réalité.

À la fin 1899, sir George William Ross fut élu premier ministre de l’Ontario, dirigeant un parti libéral au pouvoir depuis 26 ans. En partie pour montrer que le gouvernement, bien qu’au pouvoir depuis déjà longtemps, demeurait dynamique et progressiste, Ross mit l’accent sur le développement du nord dans le Nouvel-Ontario. Comme d’autres politiciens et hommes d’affaires ontariens, il était bien conscient des efforts inlassables déployés par le Québec pour coloniser ses nouveaux territoires du nord-ouest. Ces efforts engendraient la crainte chez certaines personnes que les colons francophones et catholiques supplantent les colons anglophones et protestants dans l’arrière-pays.6 Ross entreprit un autre levé des ressources du nord de la province en 1900 et à l’issue de ses conclusions positives en 1901, détermina que le gouvernement construirait et exploiterait une liaison ferroviaire jusque dans le nord. La construction du chemin de fer fut annoncée en 1902 et s’accompagna d’un effort de colonisation assez semblable à celui qui avait marqué la construction dans les années 1860 de routes visant à ouvrir le territoire situé entre la rivière des Outaouais et la baie Georgienne. Relevant d’une commission gouvernementale, le Temiskaming and Northern Ontario Railway (T. & N.O.) fut le premier service public provincial, précédant de trois ans la mise sur pied de la Ontario Hydro Commission. Au départ, le nouveau chemin de fer devait relier North Bay sur le lac Nipissing à New Liskeard, collectivités éloignées l’une de l’autre de 181,9 kilomètres (113 milles).

Malgré plusieurs facteurs positifs, dont la découverte de filons d’argent par les équipes d’ouvriers à Cobalt, en 1903, et l’annonce la même année par le gouvernement fédéral de la construction d’un autre chemin de fer transcontinental auquel le T. & N.O. pourrait possiblement être relié, le gouvernement eut du mal à trouver le financement nécessaire à l’exécution de son projet. Quoi qu’il en soit, en 1905, lorsque le gouvernement Ross fut défait par les conservateurs dirigés par sir James Whitney, le chemin de fer était parvenu jusqu’à New Liskeard. Alors que Whitney s’était prononcé en faveur d’un chemin de fer exploité par une société privée lorsqu’il siégeait dans l’opposition, il accepta l’entente que lui avait léguée Ross et lui insuffla même un regain de vie en nommant Jacob Lewis Englehart membre de la commission à laquelle la gestion du chemin de fer avait été confiée.7 Englehart, un entrepreneur dynamique connaissant beaucoup de succès dans la nouvelle industrie pétrolière et un fondateur d’Imperial Oil Ltée, devint rapidement président de la commission, poste qu’il occupa pendant 13 ans.8

Entre les mains expertes d’Englehart et grâce aux découvertes fortuites de minéraux faites au moment de la fondation de la localité, le T. & N.O. prospéra. Whitney approuva le prolongement de la ligne ferroviaire vers le nord et, à la fin 1905, le chemin de fer s’étendait sur 222,2 kilomètres (138 milles) en direction nord à partir de North Bay et avait atteint la rive est de la rivière Blanche (désormais Englehart). Un an plus tard, il était en service en direction sud jusqu’à North Bay.9 La ligne poursuivit sa progression vers le nord, parvenant à la jonction avec le Northern Transcontinental Railway, à l’endroit qui allait devenir Cochrane à l’été de 1909. Dans l’intervalle, à l’emplacement de la rivière Blanche, les ingénieurs ferroviaires furent confrontés à leur premier grand défi technologique puisque la construction d’un pont se révélait nécessaire pour traverser la gorge de la rivière. Comme c’était l’habitude à l’époque lors de la construction d’un chemin de fer, on assembla le matériel et les fournitures nécessaires au bord de la rivière en prévision du début des travaux. Cette concentration d’hommes et de matériel attira des services auxiliaires et en peu de temps, un semblant de collectivité, au départ simplement appelée White River Crossing, se constitua dans cette région isolée. Si son emplacement géographique fut l’étincelle initiale ayant donné naissance à cette collectivité, la décision prise en 1906 d’en faire une localité de limite divisionnaire ferroviaire assura son avenir. La décision ne fit cependant pas que des heureux. Les cheminots auraient été déçus que le choix ne se soit pas arrêté sur New Liskeard, collectivité comptant davantage de services et de logements. Le Globe de Toronto, un journal que personne ne pouvait accuser d’être à la solde du gouvernement Whitney, exprima l’opinion suivante à cet égard :

    On ne peut s’empêcher de penser que les commissaires du T. & N.O. se sont trompés en choisissant Englehart comme localité de limite divisionnaire ferroviaire au lieu de New Liskeard. Englehart n’est située qu’à 25 milles [40,3 kilomètres] plus loin, une distance négligeable à ajouter ou à retrancher au parcours d’un chemin de fer. New Liskeard se trouve splendidement bien situé et compte de nombreuses installations qui feront défaut à Englehart pendant encore longtemps.10

Sur la rive occidentale de la rivière Blanche, le tracé d’une ville fut établi et on y procéda à l’arpentage de lotissements qui furent vendus lors d’enchères publiques en mai 1906. Le train spécial qui achemina les dignitaires et les acheteurs potentiels vers le lieu de cette vente était aussi le premier, à l’exception des trains ayant servi lors des travaux de construction, à traverser le nouveau pont. La localité se dota bientôt d’un bureau de poste, de magasins, d’une école et de plusieurs églises. On planifia aussi la construction d’une nouvelle gare comportant des bureaux et un restaurant. En 1906, la localité entreprit les premières démarches pour obtenir des lettres patentes. On décida d’appeler la nouvelle ville Englehart, en l’honneur du nouveau président de la Commission du T. & N.O. L’année suivante fut marquée par l’achèvement de la gare et la construction d’ateliers de réparation de wagons et d’une imposante rotonde de locomotive. À l’été 1908, il était devenu courant que les journaux du sud publient les horaires des trains.11 Englehart s’enorgueillit vite d’une serre exploitée par la société ferroviaire pour montrer les nombreuses cultures pouvant donner un bon rendement aussi loin au nord.

Les demandes constantes de la collectivité en vue de s’autogouverner portèrent fruit en janvier 1908 lorsque Englehart fut proclamée une ville et que l’on instruisit l’agent local des terres de la Couronne, Williams Hugh, de tenir des élections municipales. Le 8 janvier 1908, le premier maire d’Englehart, le Dr Roy C. Lowrey, fut assermenté, n’ayant pas fait face à un adversaire et le 14, quelque 203 électeurs choisirent J.C. Kennedy, Henry A. O’Grady, J.R. Dreany, L. Gartshore, Thomas S. Woollings et Samuel Errett comme conseillers municipaux.12 Le nouveau conseil se réunit pour la première fois à l’école locale le 20 janvier 1908.

Jacob Englehart demeura un défenseur farouche du Nouvel-Ontario, ne perdant aucune occasion d’en faire ressortir l’avenir prometteur. Les produits de la serre d’Englehart, parrainée par le gouvernement, lui tenaient particulièrement à cœur.13 À ses yeux, ces produits laissaient entrevoir l’abondance possible des cultures pouvant être cultivées à une latitude où, plus à l’ouest, de nouvelles fermes produisaient déjà du blé en abondance destiné à l’exportation. Il constatait simplement, sans y attacher beaucoup d’importance, le fait que la température pouvait atteindre -40 F (-40 C) en décembre.14 Englehart fit aussi grand cas des ressources forestières et minières à exploiter dans la région et de l’attrait des environs pour les amateurs de pêche et de chasse.

En 1910, un journaliste faisait le commentaire suivant : « Il y a quatre ans, les lots situés dans la localité d’Englehart ont été mis en vente. Aujourd’hui [sic], la ville compte trois rues commerçantes. »15 Au moment du premier recensement, en 1911, la population d’Englehart s’élevait à 670 habitants. Bien qu’on ait préféré Haileybury à Englehart en 1912 comme siège du tribunal de district, la collectivité continua à prospérer.16 Un incendie d’envergure, survenu en 1913, calamité par trop fréquente dans les collectivités forestières du nord, détruisit une grande partie du secteur commercial de la ville. Le ralentissement du développement de la ville qui résulta de l’incendie ne fut cependant que temporaire et l’on reconstruit rapidement les bâtiments perdus.17

Un siècle plus tard, en 2008, alors que la « petite ville au grand cœur » célèbre son centenaire, sa population atteint maintenant 1 500 habitants. Si la ruée minière du début du siècle a pris fin depuis bien longtemps, la sylviculture et l’agriculture demeurent les piliers de l’économie locale. L’Ontario Northland Railway et la Grant Forests Products Corp.18 sont les deux principaux employeurs d’Englehart. Le tourisme récréatif, mettant l’accent sur l’expérience en milieu sauvage, la randonnée pédestre, le camping, la chasse et la pêche, ont pris de l’ampleur ces dernières années.19


La Fiducie du patrimoine ontarien tient à remercier sincèrement Robert J. Burns pour ses recherches dans le cadre de la rédaction de ce document.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2008


1 W.L. Morton, éd., The Shield of Achilles: Aspects of Canada in the Victorian Age (Toronto: McClelland and Stewart, 1968).

2 G.L. Cassidy, ‘Arrow North:’ The Story of Temiskaming (Cobalt: Highway Book Shop, 1976), pp. 18-20.

3 Calcareous.

4 G.L. Cassidy, p. 20.

5 Olive Patricia Dickason, Canada’s First Nations; a History of Founding Peoples from Earliest Times (Toronto: Oxford University Press, 1997), p. 15 et 42-45.

6 Charles W. Humphries, ‘Honest Enough to be Bold:’ the Life and Times of Sir James Pliny Whitney (Toronto: University of Toronto Press, 1985), pp. 145-48.

7 Humphries, Life and Times of Sir James Pliny Whitney, p. 146.

8 Albert Tucker, « Jacob Lewis Englehart », Dictionary of Canadian Biography.

9 Albert Tucker, Steam into Wilderness: Ontario Northland Railway, 1902-1962 (Toronto: Fitzhenry & Whiteside, 1978), p. 33.

10 Globe de Toronto, 25 mai 1906, p. 14.

11 Globe de Toronto, 26 juin 1908, p. 9.

12 Bud Colquhoun, « Englehart Echoes », 19 déc. 2007; New Liskeard Speaker, 9 janv. 1908; Agricultural Temiskaming, (New Liskeard: Temiskaming Board of Trade, 1910).

13 Globe de Toronto, 28 mai 1910.

14 Globe de Toronto, 13 décembre 1906 et 11 septembre 1909.

15 Globe de Toronto, 28 mai 1910.

16 Globe de Toronto, 3 janvier 1912.

17 Tucker, Steam into Wilderness, pp. 77-80 et le Globe de Toronto, 5 mai 1913.

18 Grant Forest Products Corp. possède et exploite une scierie qui produit des panneaux à copeaux orientés et qui est supposée être le plus grand producteur de panneaux de ce genre au monde.

19 Site Web de la Ville d’Englehart.