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Ouragan Hazel
Le samedi 16 octobre 2004, la Fondation du patrimoine ontarien a dévoilé une plaque provinciale pour commémorer le 50e anniversaire de l’ouragan Hazel. Voici le texte bilingue qui y figure :
OURAGAN HAZEL
- Le 15 octobre 1954, l'ouragan Hazel s'est abattu sur le Sud de l'Ontario, accompagné de vents de 110 km/h et de plus de 200 mm de pluie. Plusieurs localités de cette région ont été inondées par les nombreuses rivières qui la sillonent y compris les rivières Humber, Don et Rouge. L'ouragan a tué 81 personnes, laissé 1 868 familles sans abri et causé d'importants dégâts matériels. Des dons internationaux et locaux à un fonds de secours ont permis d'aider les victimes d'inondations, et les trois paliers de gouvernement ont partagé le coût des dégâts matériels et d'enlever les maisons situées dans les plaines d'inondation. À la suite de cet ouragan, on a conçu un système élaboré d'avertissement météorologique pour la province, pris des mesures pour conserver les bassins hydrographiques des principales rivières, et adopté un système d'annonce et de contrôle de crue, en évolution constante.
HURRICANE HAZEL
- On October 15, 1954, Hurricane Hazel hit southern Ontario with 110 km/h winds and over 200 mm of rain. Many rivers, including the Humber, Don and Rouge overflowed flooding communities in much of southern Ontario. The storm killed 81 people, left 1868 families homeless, and caused extensive property damage. International and local donations to a flood relief fund assisted victims, and all three levels of government shared the expenses of paying for property damage and removing houses located in floodplains. Hurricane Hazel's legacy was the development of a sophisticated weather warning system for the province, measures to conserve the watersheds of major rivers, and a continually evolving system of flood warning and control.
Historique
Il y eut peu d'avertissements annonçant l'ouragan Hazel — l'une des pires tempêtes qu'ait connues le Canada — en partie parce qu’il n’existait pas de système d’avertissement comme ceux qui sont maintenant installés, mais aussi parce que les tempêtes tropicales normalement viraient à l’est au-dessus de l’océan Atlantique, et diminuaient de violence en survolant le quarante-neuvième parallèle séparant le Canada des États-Unis.1 Les Canadiennes et les Canadiens n’accordaient que peu d’attention aux tempêtes tropicales, et cette négligence était partagée par la presse. Dans les jours qui précédèrent la tempête, les principaux journaux de Toronto titraient sur la fin de semaine canadienne de l’Action de grâce qui approchait et sur les quelque 6 000 ouvriers en grève à l’usine Ford de Windsor. À la campagne, près de Breslau, le quarante et unième Championnat international de labour ouvrit ses portes le 13 octobre, et un journaliste mécontent couvrant l’événement écrivit « Ce matin, tout n’était que pluie et boue. Une boue profonde et sale ». Le matin du 15, le championnat fut annulé, le sol étant trop détrempé par les pluies incessantes « pour permettre une compétition équitable ».2
Avant que l’ouragan ne s’abatte sur Toronto, les prévisions météorologiques des journaux se concentraient sur des courants météorologiques venant de l’ouest et se dirigeant vers les Grands Lacs, et ne mentionnaient que brièvement le front de la féroce tempête tropicale sur la Caroline du Nord et du Sud. Le 5 octobre, l’ouragan Hazel était à environ 80,5 km à l’Est de l’île de la Grenade, ses vents les plus forts atteignant déjà près de 160 km/h. Cette tempête des Caraïbes traversa l’île de Haïti, y causant un nombre de morts estimé à un millier, avec des vents atteignant 240 km/h pendant qu’elle augmentait sa vitesse, traversant les Bahamas à 48 km/h, en y causant six décès. À la fin de la matinée du 14 octobre, elle s’abattit sur la Caroline du Nord et du Sud, détruisant complètement la ville de Garden City, en Caroline du Sud; le 15, elle survola Raleigh, en Caroline du Nord, poursuivit sa route à travers la Virginie et remonta la côte Est des États-Unis, causant la mort de 95 personnes et des dégâts estimés à 1,5 milliard de dollars. Au cours de sa traversée du Canada, la force de ses vents diminua et le 16 octobre, le U.S. Weather Bureau l’avait retirée de la catégorie des ouragans. Mais c’était encore une tempête dévastatrice, en particulier pour la partie centrale du Canada, qui n’avait encore jamais vécu rien de semblable.3
Le 15 octobre 1954 dans l’après-midi, l’ouragan Hazel frappa le Sud de l’Ontario après être entré en collision avec un front froid venant de l’Ouest. Il pilonna Toronto avec des vents de plus de 110 km/h et plus de 200 mm d’eau en moins de 24 heures, après des jours de pluie qui avaient déjà saturé le sol et rempli les voies d’eau de la ville. Lorsque la tempête fut passée, elle avait déversé 181,6 milliards de litres d’eau sur la ville.4 Le débit de la rivière Humber était quatre fois plus élevé qu’en temps normal. La cote de la rivière Rouge était montée de 4,26 m, emportant une partie de la voie du Canadien Pacifique à Peterborough et 11 ponts à Markham. L’ouragan avait aussi détruit ou endommagé plus de 20 ponts à Toronto.5 Les endroits les plus sévèrement touchés furent les collectivités fluviales du Sud de l’Ontario comme Bradford, Holland Marsh, Woodbridge, Thornhill, Weston, Etobicoke et des quartiers de Toronto situés sur les rivières Don et Humber.6 Les collectivités comme Bridgeport près de Kitchener, les villes de Grand Valley et d’Orangeville dans le comté de Dufferin, et de Meaford — une collectivité côtière de la baie Georgiennne — furent aussi victimes de graves inondations lorsque les ruisseaux et les rivières débordèrent. D’autres collectivités — comme Markham, Unionville, Bolton et Kleinburg — furent également endommagées. À Barrie, la police avait bloqué quatre rues du centre-ville alors que des flots de 915 cm de large et de 30,5 cm de profondeur « bouillonnaient ». Brampton fut quelque peu épargné grâce à un canal de dérivation sur le ruisseau Etobicoke, et le barrage Fanshawe évita à London le pire des inondations. Malgré tout, 40 autoroutes et routes principales furent submergées, des trains de voyageurs déraillèrent, des lignes téléphoniques et d’électricité furent mises hors d’usage, des familles furent contraintes de se réfugier sur le toit de leur maison dans l’attente des secours, des voitures furent emportées par les eaux et des bateaux rompirent leurs amarres.7
À Toronto, la tempête s’abattit à l’heure de pointe, obligeant les gens à quitter leur voiture et à emprunter le métro récemment achevé, sauf dans la rue King où l’entrée du métro fut inondée. Les croisements bloqués par des embouteillages, là où les lignes électriques avaient été arrachées, causèrent de nombreux problèmes. Toutes les forces de police étaient mobilisées par des appels au secours. Les flots grossissants dévalèrent la rue Yonge, inondèrent des maisons dans les quartiers de Black Creek et de la colline de Weston Road, où des douzaines de maisons durent être évacuées. Des voies souterraines furent sous l’eau dans l’avenue Spadina, Dovercourt et Avenue Roads, et dans les rues Dupont, Christie et Bathurst. À 19 h 15, le boulevard Lakeshore était partiellement sous l’eau et Parkside Drive, l’avenue Ossington et Mount Pleasant Road étaient inondées.8
La tempête avait causé d’importants dommages, causant la mort de 81 personnes et en blessant de nombreuses autres; 1 868 familles se retrouvèrent sans abri et les dommages furent évalués à plus de 180 millions de dollars. La rivière Humber monta de 6 m, emportant 14 maisons de Raymore Drive sur la rive ouest de la rivière juste au Sud de l’avenue Lawrence, entraînant en une heure la mort de 32 habitants. Dans les zones où des plaines d’inondation avaient été drainées et aménagées pour devenir constructibles, les dommages causés aux maisons étaient catastrophiques. Le 22 octobre, l’armée fut envoyée dans la vallée de la rivière Humber avec de l’équipement léger, des bulldozers et des lance-flammes pour brûler les débris laissés par la crue tandis que 800 hommes de la milice continuaient à rechercher 16 personnes portées disparues.9
Les effets à court terme de l’ouragan furent très sérieux, alors que les personnes directement touchées reprenaient lentement le dessus, remettant de l’ordre dans leurs maisons et leurs affaires et pleurant leurs proches disparus pendant la tempête. Elles reçurent un soutien massif de gentillesse et de générosité de leurs concitoyens et des aides financières de l’Ontario Hurricane Relief Fund, mis en place de toute urgence le 17 octobre 1954 par le Conseil de la Communauté urbaine de Toronto. Le fonds versa aussi 1 270 500 $ pour réparer les dommages causés aux infrastructures de Toronto (ponts, routes, égouts, conduites d’eau et nettoyage) par l’ouragan Hazel. Par le biais du Flood Homes and Buildings Assistance Board institué par le gouvernement de l’Ontario le 4 novembre 1954, les trois paliers de gouvernement partagèrent le coût des indemnités versées aux propriétaires de bâtiments endommagés ou détruits par les inondations dans tout le Sud de l’Ontario.
Les conséquences de la tempête restent présentes dans les esprits comme « des témoignages sur les redoutables forces destructrices » de l’ouragan Hazel, qui est maintenant classé comme l’un des ouragans les plus catastrophiques que l’Amérique du Nord ait connu au 20e siècle.10 Pour éviter qu’une telle catastrophe ne se reproduise, le Conseil de la Communauté urbaine de Toronto et d’autres municipalités — parmi lesquelles le canton de King et Woodbridge où six personnes perdirent la vie — ont procédé à l’expropriation et à l’évacuation de 530 propriétés (349 dans la Communauté urbaine de Toronto et 181 en dehors de la ville) construites sur des plaines d’inondation, pour un coût évalué à 2,2 millions de dollars. À Long Branch, par exemple, les propriétaires des 184 maisons détruites reçurent 817 000 dollars d’indemnisation de la province, et le terrain des trois rues inondées — la 42e, la 43e et Island Road — fut transformé en un parc public de 35 acres.11
On a tiré de nombreuses leçons de l’ouragan Hazel. La province de l’Ontario a créé un système de prévision et d’annonce de crue, géré par des représentants des trois paliers de gouvernement, et qui surveille la situation de la ligne de partage des eaux. Des installations de contrôle des crues ont été étudiées, améliorées ou construites de sorte que le tracé de sept cours d’eau — les rivières Don, Rouge et Humber et les ruisseaux Duffin’s, Etobicoke, Mimico et Highland — soit modifié. Des barrages, trois lacs et plusieurs réservoirs ont été construits pour contrôler le niveau des eaux et surveiller le flux des rivières et des ruisseaux.
À la suite de l’ouragan Hazel, les maisons construites sur des basses terres furent évacuées et des ceintures vertes furent aménagées dans les zones de partage des eaux et intégrées dans le vaste ensemble des parcs de Toronto et de sa région.12 Des offices de protection de la nature à travers le Sud de l’Ontario furent créés ou reçurent un soutien accru pour gérer ces parcs dans des zones présentant un risque potentiel d’inondation.
En 1954, l’Albion Hills Conservation Area fut créée sur une parcelle de 446 hectares dans la plaine d’inondation de la rivière Humber, sous la direction du nouveau Humber River Conservation Authority; trois ans plus tard elle fut intégrée au Metropolitan Toronto and Region Conservation Authority. Le Metropolitan Toronto and Region Conservation Authority acheta environ 32 000 acres dans des zones à risque d’inondation.13 Les terrains acquis dans la vallée de la Rouge formèrent la majeure partie de Rouge Park. Raymore Park, sur la rivière Humber, a été dédié à la mémoire des victimes de l’ouragan Hazel. Les offices de protection de la nature supervisèrent la gestion et de la faune aquatique et terrestre, et reboisèrent les terres pour prévenir l’érosion. Avec une population urbaine en pleine expansion et une demande d’espaces et d’installations publics récréatifs, les zones aménagées furent utilisées pour créer des installations de natation, de marche, de bicyclette, de camping ou autres; des programmes éducatifs sur la nature pour les étudiants et le public furent mis au point. L’ouragan Hazel « a été un élément déterminant dans la sensibilisation du public de l’Ontario à la nécessité de préserver l’environnement ».14
Le Globe and Mail du 18 octobre 1954 écrivit que « notre manque de préparation à l’assaut des eaux était lamentable et nous avons payé cette erreur d’un lourd tribu en vies humaines et en dégâts matériels ». Il a conclu « Retenons surtout le danger de laisser la nature échapper à notre protection ». L’ouragan Hazel a conduit à un flot de contrôles et « changé notre façon d’envisager la préservation de la nature dans le Centre et le Sud de l’Ontario ».15 Il a favorisé la mise au point rapide d’une nouvelle infrastructure de contrôle des rivières et des lignes de partage des eaux dans le Sud de l’Ontario, afin de protéger la santé publique et les biens des personnes.
La Fondation du patrimoine ontarien remercie vivement Mme Laurel MacDowell dont les recherches ont largement contribué à la préparation de ce document.
© Fondation du patrimoine ontarien, 2004
1 « Forecasting and Warning », Conservation Ontario, le 30 avril 2004.
2 Globe and Mail, du 11 au 15 octobre 1954.
3 « Hurricane Hazel Touches Dufferin County », 1, Dufferin Severe Weather Site, 30 avril 2004; Globe and Mail, 16 octobre 1954, 1.
4 « The Wrath of Hurricane Hazel – Disasters and Tragedies – Archives de Radio-Canada » 1, Nouvelles à la télévision de Radio-Canada, 6 décembre 1954.
5 «“The Wrath of Hurricane Hazel - Disasters and Tragedies - Archives de Radio-Canada »,” 1, Nouvelles à la télévision de Radio-Canada, 6 décembre 1954.
6 Globe and Mail, 18 octobre 1954, 4.
7 RG1-458, no de compte 28338, boite 32, dossier inondations consécutives à l’ouragan — Humber. Le coût total des dommages causés par l’ouragan Hazel aux installations électriques d’Ontario Hydro dans cinq régions s’est élevé à 422 332 $, compte non tenu des pertes subies par les systèmes électriques municipaux.
8 Globe and Mail, 16 octobre 1954, 1-3.
9 Globe and Mail, 22 octobre 1954.
10 « Le comté de Dufferin frappé par l’ouragan Hazel », 2.
11 Annexe A, Rapport no 26 du Comité exécutif, procès-verbal du Conseil de la Communauté urbaine de Toronto 1954; rapport annuel du commissaire aux finances de la Communauté urbaine de Toronto, 1954, Archives de Toronto; Toronto Star, 30 octobre, 2 novembre, et 26 novembre 1954, dans RG19-59, boite VK31, dossier 13:04; Rapport : The Flood Homes and Buildings Assistance Board, 7 novembre 1955, 11, RG2, boite 66, dossier de l’ouragan Hazel, Archives de l’Ontario.
12 Globe and Mail, 16 décembre 1954, dans RG19-59, boite VK31, dossier 13:04.
13 « The Wrath of Hurricane Hazel — Disasters and Tragedies — Archives de Radio-Canada »,” 4, Nouvelles à la télévision de Radio-Canada, 14 octobre 1979; A.E.K. Brunnell à A.L.S. Nash, 20 octobre 1954, discussion d’une réunion spéciale devant être organisée cette semaine afin de commencer à « fusionner les offices de protection indépendants de la région de Toronto en un Office de protection régional et à présenter ainsi un front uni en ce qui concerne la planification en cas d’inondations futures ». RG19-59, boite VK31, dossier 13:04, Ouragan Hazel.
14 Nancy Early, « Hurricanes to Hiking », 1-2; Rough Duffin Highland Petticoat Conservation Report, 1956, Service de planification et de développement, Archives de Toronto; Globe and Mail, 30 décembre 1954, dans RG19-59, boite VK 31, dossier 13:04.
15 Globe and Mail, 30 décembre 1954, 8 dans RG 19-59, boite VK31, dossier 13:04, Ouragan Hazel, Archives de l’Ontario.