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Robert Nichol, v. 1774-1824

Le 24 septembre 2009, la Fiducie du patrimoine ontarien et le Musée de la marine de Port Dover ont dévoilé une plaque provinciale à Port Dover, en Ontario, pour commémorer Robert Nichol, v. 1774-1824.

Voici le texte de la plaque bilingue :

ROBERT NICHOL, V. 1774-1824

    Né en Écosse, Robert Nichol arrive dans le Haut-Canada en 1792. En 1808, il s'installe à Port Dover, où il crée des entreprises de concassage, de brassage et de distillation. Pendant la guerre de 1812, il sert en tant que quartier-maître général de la milice du Haut-Canada, collabore étroitement avec Isaac Brock et se livre fréquemment à des actions contre les forces américaines. En 1814, il subit de lourdes pertes personnelles lorsque les troupes ennemies brûlent ses moulins et sa demeure, non loin de ce site. Il exerce plusieurs fonctions civiles, représentant notamment le comté de Norfolk au sein de l'assemblée législative de la colonie de 1812 jusqu'à sa mort, en 1824. Si au départ il soutient le gouvernement, il prend la tête de l'opposition à partir de 1817, en appelant à la réforme démocratique et aux initiatives publiques pour améliorer l'économie. Il a beaucoup apporté à la province, en contribuant à son développement civique au cours des années de formation d'avant-guerre, en la défendant en période de troubles et en favorisant sa maturation politique après la guerre.

ROBERT NICHOL, C. 1774-1824

    Born in Scotland, Robert Nichol moved to Upper Canada in 1792 and settled in Port Dover in 1808, where he established milling, brewing, and distilling businesses. During the War of 1812 Nichol served as quartermaster-general of the Upper Canadian militia, worked closely with Isaac Brock and was frequently engaged in action against American forces. He endured crippling personal losses when enemy troops burned his mills and home near this site in 1814. Nichol held several civil offices, and between 1812 and his death in 1824, represented Norfolk in the colony's legislative assembly. Initially, he supported the government, but led the opposition from 1817, calling for democratic reform and public initiatives to improve the economy. Nichol contributed much to the province in terms of its civic development in its formative prewar years, defence during desperate times, and in its political maturation in the postwar period.

Historique

Robert Nichol, né en Écosse vers 1774, est arrivé dans la colonie britannique du Haut-Canada (l'Ontario actuel) en 1792 et y a mené une vie d'homme d'affaires, de juge de paix, de titulaire d'une charge, d'officier de la milice et de politicien. Il a joué un rôle important dans l'histoire du comté de Norfolk, dans la guerre de 1812 et au sein de l'Assemblée législative de la province jusqu'à sa mort, en 1824.1

L'enfance de Robert Nichol reste obscure, bien que nous sachions qu'il est né près de Dumfries. Il travaille comme marin, accoste à Montréal, puis se rend dans le Haut-Canada, où il trouve un premier emploi à bord d'un lacquier, au service de l'éminent marchand Robert Hamilton. Il travaille également pour d'autres hommes d'affaires, ainsi qu'à son propre compte et en partenariat, à Queenston, Détroit et Fort Erie.2 À la fin des années 1790, il s’installe à Fort Erie et officie comme transitaire de renom, important et exportant des produits manufacturés et agricoles. Les archives indiquent qu'il devient lieutenant de la milice du Haut-Canada dès 1803.3 En 1808, il déménage dans le canton de Woodhouse, au sein du comté de Norfolk (dans le Port Dover actuel), sur la rive nord du lac Érié, où il ouvre un moulin à grain en 1809, après l'avoir rénové. Son entreprise s'agrandit pour accueillir une scierie, une brasserie, une distillerie pourvue de trois alambics et une tonnellerie. Son établissement comprend également une grange, un commerce de farine, des logements pour les ouvriers et une maison. Durant ces années, une bonne partie de son revenu provient du ravitaillement en farine et viande de porc de la garnison stationnée à Fort Erie. En 1811, il épouse Theresa Wright, originaire de la région de Niagara, avec qui il aura quatre enfants.

Avant la guerre de 1812, Robert Nichol exerce diverses charges publiques, officiant en tant que percepteur des impôts, juge de paix et commissaire de la voirie. Alors qu'il occupe ce dernier poste, il tombe en disgrâce dans le milieu politique provincial lorsque Joseph Willcocks, un chef de file de l'opposition siégeant à l'Assemblée législative (et qui s'avérera être un traître au cours de la guerre de1812), fait ouvrir, à des fins partisanes, une enquête sur lui et la manière dont il gère les affaires gouvernementales. Joseph Willcocks cause de grands torts personnels à Nichol, lui occasionnant notamment un bref séjour en prison pour avoir fait montre de mépris envers le parlement provincial au cœur de l'agitation caractérisant la vie politique de la colonie.4

En 1811, Robert Nichol rencontre le major-général Isaac Brock, qui deviendra plus tard un héro en défendant le Canada au commencement de la guerre de 1812. Ce dernier lui demande de préparer une étude des ressources de la colonie afin de faciliter la planification militaire pendant la période d'avant-guerre. En 1812, Robert Nichol est promu au grade de lieutenant-colonel de la milice du Haut-Canada et assume le commandement du second régiment de la milice de Norfolk, bien que s'interrogeant sur la loyauté de ses hommes, dont la plupart a immigré au Canada en provenance des États-Unis. Il exprime son impatience notoire envers ceux qui l'entourent lorsqu'il écrit que ses troupes sont « à peine meilleures qu'une bande d'émeutiers légalisée, les officiers dénués de respectabilité, d'intelligence et d'autorité, les hommes dépourvus de toute notion de subordination ».5

En juin 1812, lorsque les États-Unis déclarent la guerre à la Grande-Bretagne, Robert Nichol confie la gestion de ses affaires à l'un de ses employés et, jusqu'à la moitié de l'année 1815, se consacre exclusivement à la défense de la province britannique en tant que quartier-maître général de la milice. Il s'agit d'une fonction exigeante, puisqu'il lui faut nourrir, ravitailler et transporter les troupes (aussi bien celles de la milice que de l'armée régulière) au sein d’un environnement pionnier hostile, dans une colonie sous-développée, qui n'est foncièrement pas en mesure de répondre à plus d'une fraction des besoins de l'armée. Outre cette lourde tâche, d'autres responsabilités importantes lui incombent en tant qu'officier supérieur d'état-major, ses contributions en matière de planification stratégique et de prise de décision étant particulièrement remarquables. Il prend part à l'action à maintes reprises au cours des trois années durant lesquelles la province subit l'invasion ennemie. Parmi les événements auxquels il participe, figurent la prise de Détroit sous le commandement d'Isaac Brock et du chef Tecumseh, en août 1812, les combats à proximité de Fort Erie plus tard la même année, l'attaque américaine contre le fort George à l'embouchure de la rivière Niagara en mai 1813 (lors de laquelle son cheval est abattu alors qu'il est en selle), l'assaut britannique sur Black Rock près de Buffalo en juillet 1813, et le siège de Fort Erie à la fin de l'été 1814. Les rapports de ses officiers supérieurs le mentionnent régulièrement en termes plus qu'élogieux pour ses efforts, son zèle et sa connaissance des lieux.6

En mai 1814, les forces américaines assaillent sa propriété dans le canton de Woodhouse afin d'incendier sa demeure et ses exploitations commerciales, qu'il vient d'améliorer, dans le cadre d'un effort de grande envergure visant à anéantir la capacité de la Grande-Bretagne de nourrir ses troupes au sein de la colonie. Il ne s'agit que d'une étape de l'assaut au cours duquel les voisins de Robert Nichol voient également leurs propriétés pillées et leurs bâtiments brûler, lors d'une infâme et destructrice attaque américaine le long de la rive nord du lac Érié.7 Robert Nichol subit des dommages d'une valeur de 6700 £ dans l'affaire, ce qui représente à l'époque une perte considérable dont il ne se remettra jamais. Peu après le retour de la paix, le gouvernement britannique lui attribue une pension en remerciement des services rendus, mais il considère qu'il s'agit d'une piètre récompense en comparaison de la reconnaissance dont jouissent d'autres hommes. Cependant, ce même gouvernement ne traite pas ses réclamations de guerre de façon opportune; en fin de compte, il ne lui accordera d'indemnisation pour l'incendie de sa propriété qu'un mois après sa mort et, de surcroît, à hauteur de seulement deux tiers de la valeur des pertes.

Robert Nichol est élu à l'Assemblée législative provinciale par les électeurs du comté de Norfolk en 1812, 1816 et 1820. Il rejoint probablement la scène politique à la demande d'Isaac Brock, qui se bat avec une Assemblée législative récalcitrante alors qu'il tente de préparer le Haut-Canada pour la guerre. Durant le conflit, Robert Nichol fait valoir les intérêts du gouvernement et sert de leader parlementaire de 1814 à 1816, œuvrant pour restaurer le calme au sein de l'assemblée et appuyer les mesures liées à la défense de la colonie. Au nombre de ces dernières figure notamment, en 1814, un projet de loi controversé suspendant l'habeas corpus,8 que beaucoup jugent nécessaire en temps de guerre.

Lorsque la paix règne à nouveau, Nichol devient un fervent promoteur de la réforme gouvernementale. En 1817, il exhorte le lieutenant-gouverneur à étendre les privilèges du gouvernement à l'assemblée élue, conformément aux pratiques du parlement de Westminster et contrairement aux droits restreints dont jouissent les membres de la chambre basse du Haut-Canada à l'époque. De telles exigences témoignent d'un appel très précoce en faveur d'un « gouvernement responsable » et de la « responsabilité ministérielle » dans le milieu colonial, et il promeut les droits de l'assemblée élue d’autres manières dans les années qui suivent. Il dénonce également l'existence de réserves domaniales pour la Couronne et le clergé (des terres mises de côté pour soutenir le gouvernement et l'Église anglicane dans le Haut-Canada), parce qu'elles constituent un obstacle à la formation d'établissements bien interconnectés, à une époque où il n'existe pas de marché commercial suffisamment important pour permettre aux réserves d'accélérer leur développement. Il critique aussi d'autres aspects des affaires de la colonie et demande une enquête générale sur l'état de la province. Le gouverneur, Sir Francis Gore, est à ce point décontenancé par ce comportement qu'il proroge l'assemblée deux jours après que Nichol et les autres membres de l'opposition ont lancé leur attaque, afin d'empêcher qu'un vote ait lieu sur la base des résolutions. Par la suite, Robert Nichol prend la tête de l'opposition et réitère ses appels à la réforme dans les années qui suivent. Il cultive sa critique du gouvernement et, durant les troubles économiques de la fin des années 1810 et du début des années 1820, il exige une réduction des dépenses publiques ainsi qu'une série de réformes visant à renforcer l'économie. L'investissement dans des projets de canaux et l'union avec le Bas-Canada, qui contrôle par le biais du fleuve Saint-Laurent l'accès de la province à la majeure partie du reste du monde, sont au nombre de ces réformes.

Les raisons pour lesquelles Robert Nichol adopte une opinion critique du gouvernement du Haut-Canada sont incertaines, mais les observateurs contemporains pensent qu'elles découlent, du moins en partie, du fait de n'avoir pas été indemnisé pour ses pertes en 1814 et de n'avoir pas bénéficié du degré de reconnaissance qu'il pensait mériter pour ses services en temps de guerre. L'opposition menée par Robert Nichol a en fait favorisé l'évolution vers un gouvernement démocratique au sein de la colonie. En tant que fervent défenseur de la cause britannique durant la période sombre de 1812 à 1815, Nichol a contribué à rétablir la crédibilité d'une « opposition loyale » dans la culture politique du Haut-Canada. L'opposition de la période du début de la guerre avait été entachée lorsque certaines de ses figures de proue étaient passées chez les Américains une fois la province envahie par l'ennemi.9

En 1821, Robert Nichol déménage à Stamford (Niagara Falls). Éprouvant des difficultés financières, il brigue un poste de juge subrogé qu'il obtient en mars 1824. La nuit du 3 mai 1824, alors qu'il rentre chez lui en provenance de Niagara après avoir accompli les tâches inhérentes à sa nouvelle fonction, il meurt durant une tempête de neige d'arrière-saison, lorsque son cheval et sa voiture tombent dans un précipice dans le village de Queenston. En dépit de rumeurs affirmant le contraire, le jury du coroner écarte la thèse du guet-apens.10 Robert Nichol est inhumé dans une tombe anonyme dans un cimetière de Queenston. Les personnalités importantes de l'ensemble de la province, y compris ses adversaires, sont bouleversées par son décès soudain, et déplorent la perte d'un être qui avait tant contribué à l'établissement de la province.

Au nombre des réalisations de Robert Nichol, l'on peut citer le développement économique et civique au cours des années de formation d'avant-guerre, la défense en période de troubles et la maturation politique après la guerre. Par le biais de sa participation à la guerre de 1812 et de son dévouement pour la fonction publique, Robert Nichol a apporté une contribution militaire et politique considérable à la croissance et au développement du Haut-Canada au début du XIXe siècle.


La Fiducie du patrimoine ontarien tient à témoigner sa reconnaissance à M. Carl Benn, sur les travaux duquel s'appuie le présent document.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2009


1 Sauf mention contraire, les données proviennent de la biographie de Robert Nichol rédigée par Robert Fraser pour le Dictionnaire biographique du Canada en ligne. Certaines sources, notamment l'article de Robert Fraser dans le DBC, placent sa naissance vers 1780, mais le texte le plus récent de l'auteur précité sur Robert Nichol, pour l'Encyclopédie canadienne en ligne, ainsi que les travaux d'autres auteurs, suggère v. 1774. Parmi les autres textes favorisant 1774, l'on trouve, par exemple, celui de Milo Quaife (éd.), The John Askin Papers, vol. 1 (Détroit : Detroit Library Commission, 1928), 324n62. Le récit le plus complet de la vie de Robert Nichol est celui d'Ernest Cruikshank, « A Sketch of the Public Life and Services of Robert Nichol », Société historique de l'Ontario, Papers and Records 19 (1922), mais les textes plus courts de Robert Fraser, en particulier celui figurant dans le DBC, sont plus représentatifs de la recherche universitaire moderne. Toutefois, quiconque désirant en apprendre davantage sur Robert Nichol trouvera le récit détaillé d'Ernest Cruikshank des plus enrichissants. De surcroît, ce dernier a compilé deux précieux recueils des écrits de Robert Nichol : « Some Letters of Robert Nichol.» SHO Papers and Records 20 (1923); et « Additional Correspondence of Robert Nichol » Papers and Records 26 (1930).

2 Consulter, par exemple, le contrat bilatéral entre Robert Nichol et John Askin, datant du 18 septembre 1795, dans Quaife (éd), Askin Papers, vol. 1, pp. 567-68.

3 Ernest Cruikshank, dans « Public Life », indique qu'il était lieutenant dans la milice dès 1803.

4 Pour un exposé plus approfondi de cette affaire, veuillez consulter Cruikshank, « Public Life », pp. 10-20.

5 Citation extraite de Fraser, biographie de Robert Nichol, DBC. Ernest Cruikshank, dans « Public Life », chap. 7, pp. 19-20, fait état des origines américaines du gros de la population du comté, ce qui pourrait justifier certains des doutes émis par Robert Nichol.

6 Cruikshank, « Public Life », pp. 21-48.

7 Ibid., p. 41. L'ouvrage de J.A. Bannister, The Burning of Dover, May 15, 1814 (London : Lawson Memorial Library, Université Western Ontario, 1965), est une étude remarquable portant sur l'incendie et l'état du village avant qu'il ne survienne. Voir également Ernest A. Cruikshank, « The County of Norfolk in the War of 1812 », publié pour la première fois en 1923, dans The Defended Border: Upper Canada and the War of 1812, édité par Morris Zaslow (Toronto : MacMillan, 1964).

8 L'Habeas Corpus est l'ordonnance de la cour selon laquelle les autorités chargées de l'application des lois sont tenues de présenter en personne devant le tribunal compétent tout prisonnier qu'elles retiennent sous garde.

9 Pour un examen approfondi de ces questions, consulter David Mills, The Idea of Loyalty in Upper Canada, 1784-1850 (Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 1988); et Jane Errington, The Lion, the Eagle, and Upper Canada: a Developing Colonial Ideology (Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 1987).

10 Une analyse de l'éventualité d'un guet-apens figurait dans les comptes rendus des conclusions du jury du coroner, The Colonial Advocate, 18 mai 1824.