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Timmins
Le 7 août 2012, la Fiducie du patrimoine ontarien et le musée de Timmins : Centre national d’exposition ont dévoilé une plaque provinciale au parc Hollinger, à Timmins, en Ontario, pour commémorer la ville de Timmins.
Voici le texte de la plaque :
TIMMINS
- Les Ojibway et les Cris comptent parmi les premiers habitants de la région. Attirés par les abondantes richesses naturelles de la contrée, ils participent à de vastes réseaux commerciaux en compagnie d’autres Premières Nations. Les Européens arrivent à la fin des années 1600, et au cours des siècles qui suivent, les communautés locales (francophone, anglophone et autochtones) dépendent en grande partie de la traite des fourrures. Au début du XXe siècle, le gouvernement encourage d’autres établissements dans la région, qui devient plus accessible grâce à de nouvelles infrastructures comme le chemin de fer Temiskaming and Northern Ontario Railway. En 1909, la découverte d’un important gisement d’or déclenche une « ruée vers l’or » et se traduit par l’ouverture de nombreuses mines, notamment les mines Hollinger, Dome et McIntyre. En 1911, un incendie ravage l’établissement minier du camp Porcupine, et peu après, Timmins prend son essor en tant que « ville de compagnie » des mines Hollinger de Noah Timmins. Des pionniers de diverses origines (dont des Canadiens-Français, des Finlandais, des Ukrainiens, des Italiens et des Chinois) s’établissent à Timmins, faisant de la ville une collectivité dynamique qui devient un pôle économique et culturel pour toute la région.
Historique
Situation géographique
La collectivité qui portera finalement le nom de Timmins, en Ontario, doit sa naissance à des événements survenus il y a plusieurs milliards d’années, au cours des toutes premières années d’existence de la Terre. En effet, le Bouclier canadien qui définit la majeure partie du nord de l’Ontario se forme au cours de cette période et contient certaines des plus vieilles roches de la planète.
La formation de la Terre est marquée par d’énormes bouleversements géologiques. Le magma qui remonte depuis les profondeurs terrestres alimente les coulées de lave circulant sous les vastes étendues océaniques, sur ce qui constitue aujourd’hui la partie nord du Bouclier canadien. En géologie, ces formations volcaniques portent le nom de « ceintures de roches vertes ». Ces couloirs longs et étroits constituent des failles importantes à l’origine de la formation de bassins riches en assemblages rocheux insolites. L’enceinte de ces bassins renferme la majeure partie du minerai d’or découvert sur le Bouclier canadien.1
Au cours des quelques milliards d’années suivants, des changements successifs se produisent pour donner naissance à la version physiographique de la collectivité de Timmins que nous connaissons aujourd’hui. La fin de la dernière ère glaciaire (il y a environ 10 000 ans) constellera la région d’une myriade de voies d’eau — des grandes rivières aux lacs de kettle — qui favorisera le développement de la végétation et l’émergence de la flore qui existe actuellement à Timmins.2
L’histoire préeuropéenne et la période préindustrielle
On estime que les premiers êtres humains sont arrivés dans la région il y a environ 4 000 ans. Comme leurs successeurs, les habitants originels – représentants de la culture archaïque du Bouclier – subviennent à leurs besoins grâce aux ressources naturelles de la région. Il y a plusieurs millénaires de cela, la population autochtone locale commence à s’adapter et à commercer afin de profiter d’outils améliorant ses compétences pour la pêche, la chasse et la cueillette, et à utiliser l’art comme moyen d’expression. Les Premières Nations vivant dans cette région sont appelées les Cris et leur culture est dite algonquienne. On retrouve leur héritage dans bon nombre des noms attribués aux entités topographiques du district, comme dans le cas de la rivière Mattagami qui traverse Timmins.3
Les premiers Européens arrivent dans la région à la fin du XVIIe siècle et, pendant plus de deux siècles, les Autochtones et les Eurocanadiens coexistent, entre conflits et périodes d’accalmie. Les Français, les Britanniques et les Cris convoitent tous le contrôle de la région de Timmins. L’enjeu : la collecte fructueuse des fourrures de castor et l’occupation du territoire stratégique pour ce commerce. Chaque puissance européenne mène régulièrement des attaques sur les colonies locales de son rival jusqu’à la conquête britannique en 1760. Par la suite, des intérêts commerciaux britanniques rivaux s’affronteront pour occuper une position dominante dans la traite des fourrures de la région et érigeront divers postes dans les environs pour soutenir leurs campagnes. La Compagnie de la Baie d’Hudson, par exemple, établira une base sur les berges du lac Frederick House (au nord-est de Timmins) en 1785. Les Cris de la région participent activement à la traite des fourrures, mais cette activité s’accompagne à la fois d’avantages et d’inconvénients pour leurs communautés.4
L’avènement de l’ère industrielle
Vers la fin du XIXe siècle, le gouvernement provincial s’intéresse au potentiel économique du « nouvel » Ontario, comme on surnomme alors le nord de l’Ontario. Il met sur pied des missions d’arpentage qui sillonnent la région afin d’établir sa cartographie et de répertorier ses ressources naturelles. Agissant principalement dans l’espoir d’encourager l’implantation agricole, le gouvernement fait la promotion de la région au niveau national et international et investit dans l’infrastructure, notamment avec la construction des chemins de fer du nord ontarien (Temiskaming and Northern Ontario Railway, TNOR) en 1902. Pendant cette opération, des minerais de valeur sont découverts à environ 62 kilomètres (100 milles) au nord du lac Nipissing, sur un site qui sera baptisé Cobalt en raison de la présence importante de ce métal dans les roches de la région. Il s’agira finalement de l’un des plus riches filons d’argent jamais exploités dans le monde et sa découverte attirera dans la région des intérêts internationaux et des milliers de prospecteurs. À elle seule, cette aubaine contribuera à lutter contre l’idée reçue selon laquelle l’exploitation minière n’a pas d’avenir dans le nord de l’Ontario et permettra de générer des capitaux qui serviront à financer l’exploration de la région.5
Quelques-unes des personnes ayant fait fortune à Cobalt – et d’autres qui n’ont pas eu cette chance – se montrent désireuses de vérifier les rapports gouvernementaux de première main faisant état de la présence de roches aurifères à 62 kilomètres (100 milles) au nord de la région de Porcupine (celle-ci tirerait son nom de la forme d’un des lacs se trouvant au milieu des nombreuses concessions minières alors sur le point d’être jalonnées). La première mine d’exploitation aurifère ouvre en 1906 sur l’île Golden du lac Night Hawk, mais ferme ses portes quelques années plus tard. Toutefois, en 1909, d’autres découvertes conséquentes juste au nord du lac Porcupine contribueront selon toutes vraisemblances à lancer la ruée vers l’or dans la région. Le prospecteur Jack Wilson revendique la propriété de larges filons aurifères découverts au sud-ouest du lac Porcupine dans des masses de quartz en forme de dômes; cette découverte sera à l’origine de la création des mines Dome. Grâce aux fonds générés lors du boom de l’argent à Cobalt, Benny Hollinger et Alex Gillies jalonnent des concessions dans la région de Porcupine, mais les vendent bientôt à un autre groupe d’investisseurs comptant notamment les frères Noah et Henry Timmins, ainsi que M.J. O’Brien. Noah et son neveu – l’ingénieur des mines Alphonse Pare – se montrent particulièrement enthousiastes quant au potentiel d’expansion des concessions et donnent une franche impulsion au projet des mines Hollinger. La légende veut que Pare ait lui-même gravé le nom de son oncle sur une pancarte avant de la clouer à un arbre près de leur exploitation, marquant ainsi le premier baptême de la collectivité sous le nom de Timmins. Finalement, Sandy McIntyre et Hans Buttner jalonnent des concessions qui finissent entre les mains des emblématiques financiers torontois Henry Pellatt et J.P. Bickell. McIntyre dépensera sans compter le capital issu de la vente, mais son importance restera gravée à jamais dans le nom donné à l’entreprise. Une série apparemment sans fin d’autres mines plus petites assure une production substantielle et emploie un grand nombre de travailleurs dans la région. Toutefois, la domination des mines Dome, Hollinger et McIntyre restera entière dans la région et elles deviendront les plus grandes productrices d’or du continent.6
L’activité extraordinaire du camp de Porcupine contraint le gouvernement provincial à améliorer l’accessibilité de la région. Aussi fait-il construire un embranchement vers Porcupine South à partir de la grande ligne du TNOR, lequel sera achevé en 1911, et profite-t-il ensuite du travail carcéral pour aménager un accès par route jusqu’au camp. Un bureau de poste ouvre ses portes et une ligne téléphonique est posée dans le camp. Deux prêtres catholiques, un prêtre anglican et deux étudiants en théologie méthodiste viennent satisfaire les besoins spirituels de la collectivité. Charpentiers, conducteurs d’attelage, manœuvres généraux et mineurs expérimentés rallient le camp de Porcupine, parmi lesquels on compte un grand nombre d’Américains ayant travaillé dans les mines de Cobalt. La section locale 145 de la Western Federation of Miners (Fédération des mineurs de l’ouest) est mise en place pour protéger les intérêts des travailleurs et la chambre de commerce de Porcupine est créée en mars 1910. Lorsque la première voiture ferroviaire fait escale dans la ville le 1er juillet 1911, un avenir radieux semble promis à cette collectivité déjà florissante.7
Une grande partie des Cris locaux profite des nouvelles possibilités économiques qui se font jour dans la région au début du XXe siècle. Ils exercent souvent les fonctions de guide ou de travailleur saisonnier dans les équipes de maintenance ferroviaire ou dans les camps de travail. Fins connaisseurs des minerais et des autres ressources de la région, ils jouent également un rôle capital en relayant ces renseignements.
Destruction, renaissance et résilience
Alors que Noah Timmins supervise l’expansion de la mine Hollinger, il prend conscience qu’il lui faudra très vite héberger ses travailleurs plus près de la mine, les colonies situées autour du lac Porcupine étant trop distantes. C’est alors qu’une sècheresse extrême sévit à l’hiver 1910-1911 et au printemps suivant, causant plusieurs incendies graves au milieu de l’année 1911, dont un qui sera responsable de la destruction de la mine Hollinger. Les premières semaines de l’été enregistrent des records de chaleur et la crise atteint son paroxysme le 11 juillet lorsque plusieurs foyers mineurs se rejoignent sous l’effet du vent, entraînant la formation d’un brasier qui dévastera la collectivité. Ces incendies feront 73 victimes, détruiront 11 mines, réduiront en cendres la ville de Porcupine et ravageront 200 000 hectares (près de 500 000 acres) de forêt dans les environs.8
Nombreux sont ceux qui entreverront dans ce malheur une lueur d’espoir – une lueur dorée, pourrait-on dire – et un avenir radieux pour la collectivité, malgré les défis à relever. En effet, le feu a détruit la végétation et la couche de débris organiques qui recouvrait les roches censées renfermer le précieux minerai aurifère. Après l’incendie, les trois grandes entreprises minières du district découvrent rapidement de nouveaux gisements. Par ailleurs, les colonies d’origine avaient été établies de manière désordonnée autour du lac Porcupine et les travailleurs de la mine Hollinger – la plus active du district – devaient parcourir une longue distance à pied pour se rendre chaque jour sur leur lieu de travail. Bon nombre des habitations d’origine ayant souffert de l’incendie, Noah Timmins entreprend la construction d’une ville suivant un plan préétabli, au sommet d’une crête bien drainée située juste au nord-ouest de sa mine. La Timmins Townsite Company est alors fondée pour gérer l’activité. Une petite butte, qui sera surnommée « la Colline », est réservée aux responsables et aux professionnels touchant des appointements. À l’ouest de la Colline, un quadrillage d’une demi-douzaine de rues est tracé : les avenues s’étendant d’est en ouest seront numérotées et les rues traversant la ville du nord au sud porteront des noms de conifère.
Alors que certains lots sont mis en vente aux enchères publiques au profit des entreprises et des particuliers, la Timmins Townsite Company se réserve la propriété d’une partie des terres. Plusieurs acquéreurs font également des emprunts personnels auprès de Noah Timmins pour constituer leur capital de départ. La nouvelle ville prend rapidement forme. La construction de trois vastes pavillons-dortoirs est exécutée sur commande des mines Hollinger afin d’héberger les ouvriers célibataires. Une rangée de maisons destinées aux employés mariés est également bâtie. Noah Timmins fait en outre construire un hôpital et prévoit les installations nécessaires pour approvisionner en électricité et en eau une ville de 10 000 habitants.
La construction d’églises fait également partie des priorités pour la ville de Timmins. Une petite église en bois est construite sur demande du responsable de la mine à proximité des résidences des dirigeants. Elle est dédiée à la congrégation anglicane et baptisée St. Matthew’s Anglican Church. Noah Timmins finance par ailleurs la construction d’une église catholique dédiée à saint Antoine de Padoue et, en 1915, Hollinger fait don de deux lots de la ville à la congrégation presbytérienne pour qu’elle puisse y ériger sa propre église. Au cours des années suivantes, Hollinger continue de bâtir des logements pour les employés et d’autres installations communautaires, notamment une patinoire, un stade de baseball, un parcours de golf, une bibliothèque destinée aux employés et un centre de loisirs.
Les habitants de Timmins
Pendant cette période de croissance et de développement du nord-est de l’Ontario, le gouvernement provincial encourage activement les Allemands, les Scandinaves et la population du sud de l’Ontario à venir s’installer dans la région. Les activités forestières et minières et la construction du chemin de fer attirent dans la région des immigrants d’origines diverses, notamment en provenance de Finlande, d’Italie, d’Ukraine, de Chine, des Balkans et du Québec. Alors qu’un grand nombre de Canadiens anglophones et francophones et de Finlandais s’installent avec leurs familles, les autres immigrants sont souvent des hommes seuls venus pour trouver du travail et qui n’ont aucunement l’intention de rester dans la région.
Dans les années 1920, la population italienne de Timmins connaît une croissance régulière et s’installe principalement dans le district baptisé Moneta, au sud du quartier commerçant. En 1921, les Canadiens francophones représentent un tiers de la population de Timmins. Bien que ces derniers soient principalement embauchés comme manœuvres ou ouvriers qualifiés, certains d’entre eux exercent les professions d’enseignant, d’homme d’affaires, d’employé de bureau et d’avocat, constituant ainsi une partie de la classe moyenne restreinte de Timmins. Osias Sauvé, avocat originaire d’Ottawa, fondera un journal desservant la communauté francophone : Le Nord Ontarien. En 1921, les habitants d’origine finlandaise représentent 6,2 pour cent de la population de Timmins. Quant aux Ukrainiens, ils représentent 3,8 pour cent de la population. Un certain nombre de Finlandais travaillent dans les mines et dirigent des pensions de famille et des hôtels. Comme bon nombre des immigrants italiens de la région, les nouveaux arrivants en provenance d’Ukraine font souvent partie d’équipes venant effectuer des travaux ferroviaires ou de construction générale. Beaucoup trouvent du travail dans les mines.
La diversité de ses habitants aidera la collectivité à faire face à l’adversité des premiers temps et à relever les défis qui se présenteront par la suite. Depuis toujours, Timmins doit son caractère à la diversité et à la détermination de ses habitants, ainsi qu’à son paysage naturel riche en ressources. La nature apporte son lot d’aubaines et de fléaux au fil des années, mais les habitants de Timmins font toujours preuve de persévérance dans l’adversité et de joie devant leur bonne fortune.
La Fiducie du patrimoine ontarien tient à exprimer sa gratitude à Mark Kuhlberg pour le travail de recherche effectué dans le cadre de la rédaction de cet article.
© Fiducie du patrimoine ontarien, 2012
1 P.C. Thurston, Geology of Ontario (Toronto : ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario, 1992), p. 4-5, 77 et 405-428; Rock ONtario, Centre des services GEO Ontario et ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario (Toronto : Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 1994), Ch. 4-10; entrevue avec Harold Gibson, Département de géologie, Université Laurentienne.
2 Ken Armson, Ontario Forests: A Historical Perspective (Toronto : Fitzhenry and Whiteside, 2001), p. 33- 38 et Ch. IV.
3 Kerry M. Abel, Changing Places: History, Community and Identity in Northeastern Ontario (Kingston/Montréal : McGill-Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 2006), Ch. 2.
4 Bien que la traite des fourrures soit pourvoyeuse de biens et de ressources pour les communautés cries, elle les expose également à des agents pathogènes étrangers contre lesquels elles n’ont pas développé de défenses immunitaires et qui conduiront à la disparition de nombreuses espèces d’animaux à fourrure.
5 A. Tucker, Steam into Wilderness: Ontario Northland Railway, 1902-1962 (Toronto : Fitzhenry and Whiteside, 1978); R. Surtees, The Northern Connection: Ontario Northland since 1902 (Toronto : Ontario Northland et Captus Press Inc., 1992), Ch. 1-2; I.M. Drummond, Progress Without Planning: The Economic History of Ontario from Confederation to the Second World War (Toronto : University of Toronto Press, 1987), p. 58-60.
6 Barnes, Ch. 3-4; K. Bachmann, Porcupine Goldfields, 1909-1919 (St. Catharines, Ontario : Looking Back Press, 2003), Ch. 1-2.
7 Bachmann, Ch. 4; Tucker, Ch. 6; The Toronto Globe, 20 août 1910.
8 R.S. Lambert et P. Pross, Renewing Nature’s Wealth (Toronto : ministère des Terres et des Forêts, 1967), 205-211; Bachmann, Ch. 4.